L'autoroute Est-Ouest est perçue en Chine comme la preuve tangible de la grande amitié qui lie ce pays avec l'Algérie. Une amitié que Citic est déterminé à exploiter et à en tirer profit. Mais tout d'abord le groupe voudrait corriger son image de marque, affectée, dit-on ici par, la pression de lobbies français en Algérie. Le bureau de Pékin travaille plus de 12 heures par jour. A Alger, c'est la mobilisation totale. Le temps presse. L'on est loin du compte à rebours. Mais l'échéance fixée pour la réalisation de l'autoroute Est-Ouest approche. Deux ans suffiront-ils au groupe chinois Citic-Crcc pour relever le défi? Pour les quatre prochains mois, apprend-on, le groupe projette de passer la vitesse supérieure. Il n' y a pas de temps à perdre. Il y a même un certain retard qu'il faudrait absolument combler. M.Hua Dong Yi, président-directeur général de la branche du groupe à Alger, a fait une longue exposition sur l'état d'avancement des lots centre et ouest, à l'ouverture de la première session de formation des employés algériens à Citic-Crcc à Pékin. Il confirme que les choses «avancent doucement mais sûrement». Comprendre par là que les travaux sont lancés dans différents chantiers, mais que quelques difficultés freinent le rythme de réalisation. Quelle en est l'origine? Tout d'abord, précise M.Hua, il y a le problème des terrains privés occupés, situés sur l'axe du tracé de l'autoroute. Ceux-ci devraient être absolument libérés dans les plus brefs délais. Le représentant du groupe est confiant qu'un «accord à l'amiable sera trouvé, au plus tard, en octobre avec les propriétaires». Le lot ouest n'en finit pas de révéler ses surprises. Les Chinois, continue M.Hua, se sont vu obligés de modifier quelques tracés, qui traversent des zones montagneuses. Les tronçons les plus complexes se situent sur les frontières algéro-marocaines. Concrètement, pour ce lot, et à ce jour, 15 bases de vie ont été mises en place, 85% des avant-projets de développement APD ont été réalisés. Pour le lot centre, la situation est quasiment identique, selon le même exposé. Une stratégie d'investissement à long terme Un ingénieur travaillant pour le compte du Citic estime qu'il ne faut pas douter de la capacité des Chinois à réaliser le projet dans les délais. La véritable problématique serait «de savoir si les Algériens sont en mesure de régler les problèmes à temps pour permettre à Citic d'avancer». «Il ne faut pas perdre de l'esprit, ajoute-t-il, que Citic est un groupe public. Ce qui règle déjà la question du financement. Si l'administration l'aide, le groupe est capable de réaliser l'autoroute dans un temps record.» Notre interlocuteur indique, néanmoins, que le groupe doit songer à envoyer ses meilleurs cadres et techniciens en Algérie: «A ce stade, les choses évoluent assez bien, d'autant que les travaux de terrassement ne demandent pas une grande technicité. Mais pour l'avenir, les choses vont s'avérer plus complexes et demanderont une maîtrise plus délicate des techniques de réalisation. Ce sera le véritable test auquel sera confronté le groupe, et à ce moment précis, l'on sera capable de mesurer son véritable poids.» Le recrutement est l'autre point posé avec récurrence. Une source proche du groupe nous a fait part de l'intention de Citic d'élever le nombre d'employés algériens travaillant dans le cadre de ce projet dont nombre actuel est de 2000 personnes. Mais notre source a reconnu, néanmoins, que la mission s'annonce déjà difficile: «Nous n'avons trouvé aucune difficulté pour recruter des interprètes, des chauffeurs et des secrétaires, lesquels ont prouvé leur compétence sur le terrain. Le problème se pose malheureusement avec les ingénieurs et les techniciens.» Notre source insiste sur le fait qu'il n'y a pas de volonté délibérée d'écarter les cadres algériens du projet. «Mais nous faisons face à un problème de compétence qui nous oblige à faire appel aux cadres chinois qui nous coûtent cher.» Un responsable au niveau de Citic a évoqué un autre problème. Celui du départ imprévisible de plusieurs employés algériens qui ont bénéficié pourtant d'une formation. «Il est parfois difficile de les remplacer. Cela demande, dans la majorité des cas, un temps non négligeable.» Les délais seront respectés En dépit de ces «difficultés annoncées», les responsables de Citic-Crcc sont unanimes: l'autoroute sera réalisée dans les délais. M.Wen Jinping, administrateur général et vice-président du groupe Citic affirme que si le groupe a pu mettre en oeuvre ce projet, «c'est en grande partie grâce à l aide du gouvernement algérien». L'autoroute Est-Ouest devient, dès lors, la preuve tangible de la grande amitié qui lie les deux pays, la Chine et l'Algérie. Une amitié que Citic, qui est sous la tutelle du ministère du Commerce, est déterminé à exploiter et à en tirer profit. «Business is business.» M.Wu Xilin, directeur du département chargé de la coopération économique extérieure au niveau du ministère du Commerce chinois, rappelle que le projet de l'autoroute Est-Ouest représente le plus important contrat jamais signé par le groupe Citic à l'étranger. Après avoir fait l'éloge de l'appui fondamental apporté par les autorités publiques d'Algérie au groupe, il a reconnu que «lorsqu'une société chinoise traverse les frontières, c'est toujours pour gagner». Et quand les affaires marchent bien, il s'agit, en deuxième lieu, de tracer des intérêts à long ou même à court terme. Une philosophie appliquée avec notre pays. M.Wu Xilin a laissé entendre que la réussite du projet d'autoroute Est-Ouest confortera la position du Citic en Algérie et de surcroît, lui ouvrira la porte grande pour «décrocher d'autres projets». «Si on réalise dans les temps et selon les normes, on gagnera la confiance du gouvernement et du peuple algériens.» Mais à l'heure actuelle, le Citic axe principalement sur la première partie. L'enjeu est de taille, les Chinois n'ignorent pas que l'agenda de 2009 contient un rendez-vous hautement décisif, l'élection présidentielle. L'autre raison qui ne laisse aucune marge d'erreur pour le Citic. Selon notre source: «l'on est conscient que si le président algérien, M.Abdelaziz Bouteflika, décide de se présenter pour un troisième mandat, l'autoroute Est-Ouest sera parmi les pièces maîtresses de son bilan». Mais ce ne sera pas là la seule raison qui motive le Citic. Le groupe, qui dispose de plusieurs filiales, notamment dans le domaine bancaire, suit de près les réformes économiques et s'intéresse à l'ouverture du marché national. A l'occasion d'un déjeuner offert en l'honneur des employés algériens, Li Shin, un des plus hauts responsables du groupe s'est renseigné auprès de l'ambassadeur d'Algérie en Chine, Djamel Eddine Grine, des principaux projets que compte lancer l'Algérie à l'avenir. Le groupe Citic compte aussi organiser un séminaire à Alger au courant de ce mois avec pour principal objectif de corriger l'image du groupe.