La donne présidentielle libanaise est totalement bouleversée après le nouveau meurtre d'un député. A trois jours de la réunion du Parlement, prévue ce mardi, en vue de l'élection du chef de l'Etat, les pressions se multiplient sur les acteurs politiques libanais pour que cette rencontre ait bien lieu, alors que l'élection présidentielle semblait être remise en cause après l'assassinat mercredi du député Antoine Ghanem. En fait, ce nouveau meurtre qui porte à huit le nombre de personnalités «anti-syriennes» assassinées depuis l'attentat en février 2005 contre l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, suscite maintes interrogations. C'est beaucoup -et surtout beaucoup de constance de la part de la Syrie qui serait derrière ces meurtres à en croire la majorité «anti-syrienne»- d'autant plus que, nonobstant les accusations systématiques portées contre Damas, aucune piste sérieuse n'a été relevée des commanditaires de ces assassinats. Ceux-ci, indiquent les observateurs et analystes occidentaux, font le jeu de la Syrie, mais à voir l'emprise que la France et les Etats-Unis ont sur le gouvernement de Fouad Siniora, quasiment mis sous tutelle par Paris et Washington, on est fondé à estimer que le contraire semble encore plus vrai. Or, sous couvert d'aider et de protéger le Liban, la France, et plus singulièrement les Etats-Unis, poursuivent une politique de «contenment» de la Syrie et de l'Iran ci-devant Etats voyous, selon la formule du président américain, George W.Bush. Mais la préoccupation demeure l'élection présidentielle en ces moments difficiles pour le pays du Cèdre, élection dont les retombées pourraient être graves pour la stabilité future du Liban. En effet, plus que jamais la question est de savoir qui sera le successeur d'Emile Lahoud dont le mandat s'achève le 24 novembre prochain. En l'absence d'un consensus entre majorité et opposition, il est très malaisé de répondre à la question alors que d'aucuns se demandent si la réunion du Parlement prévue ce mardi aura bien lieu et si le quorum sera atteint pour permettre la tenue de l'élection présidentielle. Selon la Constitution du Liban, l'élection doit se tenir dans les deux mois précédents la fin du mandat présidentiel, c'est-à-dire entre le 25 septembre et le 24 novembre. Or, le Parlement libanais, faute de quorum, n'a pu se réunir depuis le mois de novembre 2006 suite à la démission de six ministres (dont cinq chiites) du gouvernement Siniora. Le président du Parlement, Nabih Berri, l'un des leaders de l'opposition -qui a convoqué le Parlement pour ce mardi- a assuré le doyen des députés, Ghassan Tuéni, qu'il serait présent à la séance de mardi prévenant cependant: «Si le quorum n'est pas atteint, nous la reporterons», indiquait hier la presse libanaise. En fait, tous les milieux politiques libanais, qu'ils soient de la majorité, au pouvoir ou de l'opposition, sont unanimes sur le fait que cette session du Parlement doit absolument se tenir. Pour l'ancien président Amine Gemayel, cette élection doit avoir lieu précisément du fait de l'assassinat du député Antoine Ghanem, membre du parti Kataeb dont il est le dirigeant. Ainsi, M.Gemayel a affirmé vendredi que l'assassinat d'Antoine Ghanem, «constituait une raison supplémentaire de respecter l'échéance». Le président est élu à la majorité des deux tiers des députés au premier tour et à la majorité simple ensuite. Mais encore faut-il que le Parlement puisse se réunir et procéder à l'élection dans la mesure où les deux parties semblent faire une lecture divergente de cet aspect de la loi fondamentale lié à l'élection du président de la République, choisi traditionnellement parmi la communauté chrétienne du Liban. Seul le candidat de l'opposition, Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre, s'est pour le moment fait connaître alors que la coalition dite «anti-syrienne» conduite par le sunnite Saâd Hariri -chef de la majorité et dont sont membre le druze Walid Joumblatt et le chrétien Samir Geagea- soutenue par les Etats-Unis, n'a pas toujours choisi son candidat. Ce qui amena le président du Parlement, Nabih Berri, à prendre l'initiative d'appeler toutes les parties à s'entendre, par consensus, sur un nom qui sera présenté au vote des députés. L'assassinat d'Antoine Ghanem semble avoir coupé court à cette initiative alors que la rencontre qui devait réunir ces jours-ci MM.Berri, Hariri et le cardinal Nasrallah Sfeir, a été annulée sine-die. D'où le questionnement: le quorum sera-t-il réuni ce mardi pour procéder à l'élection du nouveau président, d'une part, et d'autre part, quel président pour le Liban en ces moments de crise politique profonde qui rappelle la situation qui prévalait avant la guerre civile de 1975-1990?