Les plus actifs et bien portants considèrent la retraite comme une invitation à une «mort lente.» Ils sont tous là, ou presque, nouveaux et anciens, car quelques uns ont «préféré» ne pas venir et rejoindre ceux qui sont déjà partis vers l'au-delà sur la pointe des pieds, silencieusement, en catimini, dirions-nous. Ce Ramadhan, comme les précédents et certainement ceux futurs, les voit revenir en témoins du temps. Ils sont donc revenus. D'ailleurs, ils reviennent tous les jours sans pluie pour converser sur leurs bancs de jardins ou places publiques. S'ils pouvaient parler, ces bancs, ils relateraient nombre de conversations, anecdotes nourries d'espoir, de nostalgie, d'illusions, de déceptions ou alors de projets esquissés. «Il était là, il est parti» (à jamais), évoquent-ils en parlant d'un disparu récent. Les uns souhaitant voir venir rapidement cette échéance au regard des difficultés de vivre encore plus longtemps. Dès le matin, ils fuient le domicile où ils sont réfugiés pour libérer les «aires de combat» de la ménagère. Se faire oublier, gêner le moins possible, se faire peu prolixe...sont leurs maximes. Les uns effectuent de menues emplettes pour compléter le couffin quotidien. Les plus chanceux habitent toujours avec leurs enfants et parfois leurs petits-enfants. Ces derniers, complices, se font «leurs meilleurs» amis à la maison. Il profitent de leur gentillesse, qui fait penser à un retour d'âge, pour passer une espièglerie ou éviter une correction en s'abritant derrière leur dos encore assez généreux comme un burnous protecteur qu'on ne profane pas. Mais l'essentiel de leurs «chuchotements» sur les bancs des places publiques et jardins gravite autour de cette fameuse pension qui tarde à venir et qui a été augmentée. Considérée à tort comme une «entraide sociale», cette pension est toujours attendue comme le croissant de lune de l'Aïd: en témoignent les longues files dans les bureaux de poste. Le bénéficiaire a trimé toute une vie percevant un salaire souvent dérisoire qui a fait l'objet de retenues mensuelles afin d'alimenter la «Caisse» pour ses derniers jours, c'est-à-dire après avoir été pressé comme un citron toute une vie durant. Rien, absolument rien, n'est conçu pour occuper cette frange mise au rebus et marginalisée par la société active. Ils sont devenus des agents «non rentables» desquels on ne peut plus tirer aucun profit financier. Une bonne nouvelle est venue récemment dessiner un sourire sur les lèvres des retraités de la Fonction publique. La pension en effet sera revue à la hausse. «Le dossier est ´´entre les mains´´ du ministère du Travail, a affirmé le SG de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi-Saïd. Le ministère fera des propositions après examen de la situation financière des Caisses de la sécurité sociale», a-t-il confirmé. Une nouvelle qui a réjoui les retraités qui continuent à subir une dégradation du pouvoir d'achat et très sollicités par leurs enfants au chômage. Une situation précaire accentuée par la hausse des prix des produits de consommation. Notons qu'une revalorisation des pensions est déjà appliquée depuis septembre 2006 et a touché 900.000 retraités parmi les 1.200.000 existants. Ces augmentations sont intervenues à la suite de mesures prises par le premier magistrat du pays en leur faveur. La Fédération nationale des retraités (FNR) a soulevé le problème des 300.000 retraités au régime proportionnel sans condition d'âge qui ne sont pas concernés par cette augmentation. Le ministre du Travail, de l'Emploi et des affaires sociales avait précisé à l'époque que ce dossier pénible est «clos». Les plus actifs et bien portants considèrent la retraite comme une invitation à une «mort lente.» Aucune activité culturelle ni autre pour meubler les longues journées et années oisives. Blasés, face à un «matérialisme» auquel ils ne croient plus, rien ne les tente ni ne les éblouit, hormis un sourire, une parole gentille, une délicatesse qui se traduit par une aide pour traverser une chaussée ou l'offre d'un siège dans un bus et qu'ils considèrent chaque fois comme un acte «chevaleresque».