Il n'y a plus de Constitution européenne. Il y a un simple traité. Plus simple que celui de Nice sur lequel fonctionne l'Union, mais...bancal en plus. Tard dans la soirée de jeudi à vendredi, les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne sont arrivés à un accord sur le texte du nouveau traité constitutionnel qui remplace, ainsi, le défunt projet de Constitution qui avait été rejeté, par voie référendaire, par la France et les Pays-Bas en 2005. Une première conclusion: l'UE ne sera pas fédérale. Les Etats gardent une relative liberté de décision sur nombre de questions de politique interne. Pour honorer leur engagement de juin dernier d'arriver à un accord général avant la fin de la présidence portugaise en décembre, les dirigeants européens ont finalement cédé aux revendications des quelques pays récalcitrants comme la Pologne, l'Italie ou la Grande-Bretagne. Cette dernière est dispensée du caractère contraignant pour l'application de la Charte des droits fondamentaux (droits sociaux), et garde sa liberté sur les décisions de justice et de sécurité interne. La Pologne des jumeaux Kacsynski a obtenu un poste pour un avocat général à la Cour de justice européenne (sur un collège de neuf avocats), et plus important, elle aura le droit de geler des décisions européennes si elle l'estime nécessaire, même en cas de minorité de blocage dans les votes. Quant à l'Italie, elle a obtenu un siège supplémentaire de député au Parlement européen, passant de 72 à 73 députés (78 députés représentent l'Italie aujourd'hui au PE à Strasbourg) A côté de ces particularismes et exceptions, les premiers responsables de l'UE sont arrivés à quelques compromis intéressants. Dès janvier 2009, l'UE aura un président du Conseil européen pour une durée de deux ans et demi (il est de six mois actuellement), un ministre de AE qui siégera dans la Commission (l'exécutif), ainsi qu'un porte-parole. Les votes au sein de la Commission obéiront à la règle de l'unanimité, alors que pour le reste des institutions ce sera la double majorité (50% des Etats représentant 60% de la population). Le consensus obtenu à Lisbonne a donné lieu à des déclarations satisfaisantes des dirigeants européens. Le Premier ministre portugais, José Socrates, parle «d'une victoire et d'une sortie de l'impasse de l'UE». Le président de la Commission, le Portugais Manuel Barroso, estime lui que «le nouveau traité donne à l'Union la capacité d'agir au XXIe siècle». En réalité, l'Union est loin de constituer une force politique mondiale malgré son poids économique majeur. Peut-il en être autrement lorsque les régimes politiques vont de la droite conservatrice à la limite de l'extrême droite, comme en Pologne, à ceux dits socialistes ou sociaux démocrates comme en Norvège, Suède ou en Espagne? L'Europe s'achemine beaucoup plus vers une association régionale d'Etats ayant des intérêts économiques parfois communs, souvent divergents (coût du travail, TVA...) qu'une «fédération» politique. Signalons que le traité n'entrera en vigueur qu'en janvier 2009, après sa ratification par les Parlements nationaux. D'ici là, la crise annoncée du Kosovo mettra à l'épreuve la force politique commune de l'UE, alors que l'issue réservée à celle du consortium aéronautique Eads, ou la réponse à la Russie sur sa volonté de conquête de parts de marchés énergétiques édifiera le reste du monde sur le poids réel de l'Union européenne dans le monde.