Après un premier sommet au Caire, il y a sept ans, Européens et Africains se retrouvent à partir d'aujourd'hui à Lisbonne pour relancer sur un pied d'égalité des rapports qui restent au stade de l'écrit sans la moindre concrétisation sur le terrain. Sentant que l'Afrique suscite l'intérêt croissant des géants de l'Asie, en particulier la Chine, les Européens ne veulent pas être pris de court et perdre du coup tous leurs avantages dans le continent. Dans cette optique, l'Union européenne prend l'initiative et accueille plus de 70 chefs d'Etat et de gouvernement des deux continents, dont le président algérien Abdelaziz Bouteflika, pour ce qui sera le plus grand événement diplomatique jamais accueilli par le Portugal. Le ton semble avoir changé cette fois-ci du côté de Bruxelles, si l'on se fie aux déclarations du président en exercice de l'UE, le Premier ministre portugais José Socrates. Selon lui, ce deuxième sommet UE-Afrique doit permettre d'établir “non pas une stratégie de l'Europe pour l'Afrique, mais une stratégie conjointe, pour la première fois dans l'histoire”. Dans le même ordre d'idées, le secrétaire d'Etat portugais à la Coopération, Joao Gomes Cravinho, a indiqué à la veille de la rencontre qu'“il nous faut tourner la page post-coloniale en instaurant un véritable partenariat d'égal à égal entre l'Europe et l'Afrique”. Il expliquera que ce sommet “n'a pas pour objectif de résoudre tel ou tel problème particulier du continent africain” mais de “définir l'avenir de la relation euro-africaine”. En effet, l'Union européenne veut faire du 2e sommet UE-Afrique le renouveau d'un partenariat qui sorte de la relation donateurs-bénéficiaires au profit d'un partenariat stratégique mis en œuvre par des plans concrets triennaux régulièrement évalués. Ce partenariat stratégique, qui doit être adopté par 53 pays africains, soit tous les pays membres de l'Union africaine et le Maroc, se concentrera sur un large éventail de thèmes qui seront évalués dans trois ans, au prochain sommet UE-Afrique. Ainsi, un plan d'action concret pour la période 2008-2010 sera ainsi soumis à l'approbation du sommet pour faire progresser huit partenariats euro-africains : paix et sécurité, gouvernance démocratique et droits de l'Homme, commerce et intégration régionale, dont la mise en œuvre du partenariat euro-africain en matière d'infrastructures, lancé en 2006, Objectifs du millénaire pour le développement, énergie, changements climatiques, migrations, mobilité et emploi et le volet science, société de l'information et espace. Ce second sommet, après celui du Caire en l'an 2000, qui a accusé un retard de quatre ans “préjudiciable” à la coopération entre les deux continents, doit marquer, du point de vue de l'UE, une nouvelle ère qui dépasse les pesanteurs du passé et renouveler la vision de la coopération sur la base d'égalité et de coappropriation. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le commissaire à la coopération du développement, Louis Michel, ont martelé, jeudi au cours d'une conférence de presse pré-sommet, qu'il fallait, à cette occasion, “radicalement changer les approches de coopération”. “L'aide au développement, c'est bien, la coopération et le dialogue politique, c'est encore mieux”, a déclaré M. Barroso pour lequel “l'Afrique doit être l'une des principales priorités de l'UE”. Dans le but de donner plus de consistance à ses propos, M. Barroso indiquera que l'accès à l'eau potable réduit de 55% la mortalité infantile et l'Afrique utilise seulement 7% de son potentiel en hydroélectricité, et qu'un point des exportations supplémentaire dans ce continent représente cinq fois l'aide globale à l'Afrique. Le président de la Commission européenne relèvera que malgré la persistance de situations “inacceptables”, telles que la pauvreté extrême, les conflits et les violations des droits de l'Homme, l'Afrique a connu des évolutions importantes ces dernières années, la gouvernance s'améliore, il y a de plus en plus d'élections démocratiques et de moins en moins de conflits armés. À noter que la grande absente de ces retrouvailles, la Grande-Bretagne en l'occurrence, sera représentée par un membre des lords, le gouvernement de Gordon Brown refusant de s'asseoir à la même table que le président zimbabwéen Robert Mugabe, soumis à des sanctions européennes pour violation des droits de l'Homme. K. ABDELKAMEL