Armé de statistiques, chacun des ministres a laissé croire que la machine des réformes avance au rythme souhaité. Le gouvernement était absent, hier, à l'APN lors des débats sur la loi de finances 2008. Les députés, eux, ont décidé de boycotter les réponses des ministres. Aucune des parties ne semble prête à écouter l'autre, chacun se cantonnant dans son mutisme. Et pourtant, les deux protagonistes vont se réunir le 10 novembre pour adopter la loi. C'est dans cette ambiance que se sont déroulées les plénières consacrées à l'examen et au débat du projet de loi de finances. «Quand nous avons posé le problème au niveau de la chefferie du gouvernement, on nous a dit que les ministres sont représentés par leurs conseillers. Ce n'est pas un argument convaincant», atteste un député RND. Premièrement, «les rapports élaborés par les conseillers peuvent omettre quelques détails, ou donner une autre interprétation aux problèmes posés». Et ajoute-t-il: «Ils pouvaient au moins assister aux séances de nuit puisqu'ils prétextent que leur agenda est chargé le matin.» Le résultat est assez «amusant». «Les ministres répondent sans écouter et les députés voteront en n'ayant pas connaissance des réponses», ajoute un député indépendant. Cet absentéisme enregistré de part et d'autre n'a pas empêché les travaux de la plénière. Durant ces deux derniers jours, la parole a été donnée aux ministres pour clarifier quelques «zones d'ombre» relevées par les élus. Comme attendu, l'Exécutif a défendu bec et ongles ses performances économiques. Armé de statistiques, chacun des ministres a laissé croire que «la machine des réformes avance au rythme souhaité» et que rien désormais ne devrait inquiéter ni le peuple ni le Président. C'est le cas du ministre de l'Agriculture, sévèrement critiqué par la première chambre parlementaire. M.Saïd Barkat, avance, de prime abord, que la production agricole nationale est estimée à 9,2 milliards de dollars. 284 milliards de dinars ont été alloués aux 364.000 exploitations agricoles. Le budget du secteur a atteint les 19 milliards. A l'exception de ces chiffres avancés d'une manière brute, le ministre a réitéré la position du gouvernement concernant le foncier agricole. «Aucune terre de l'Etat ne sera cédée.» Toute transgression à cette mesure «sera punie par la justice». Sur ce dossier, le département de l'agriculture soumettra prochainement un projet de loi à l'APN. Barkat a exposé la situation de son secteur, ignorant les polémiques soulevées par les députés autour de la gestion de son secteur. Même stratégie adoptée par M.Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, qui a fait un exposé technique sur l'état d'avancement des différents chantiers. Et sur ce plan aussi, il ressort que «tout va bien». Abdelamalek Sellal, ministre des Ressources en eau, a, quant à lui, rassuré les Algériens sur la disponibilité de l'eau, cette denrée de plus en plus rare dans le monde. «L'Algérie a les moyens de couvrir ses besoins jusqu'à 2040.» L'autre bonne nouvelle: «La tarification de l'eau ne sera pas révisée à la hausse. C'est un choix, ajoute-t-il, de l'Etat.» A ceux qui pensent que l'investissement traîne en Algérie sous l'effet de la bureaucratie, le ministre de la PME oppose un démenti catégorique. Mustapha Benbada révèle qu'entre «2000-2007, l'Agence nationale pour le développement des investissements (Andi) a enregistré plus de 30.000 intentions d'investissement pour un montant de 2378 milliards de dinars.» Concernant les investissements directs (IDE) et ceux réalisés dans le cadre du partenariat, ils sont de l'ordre de 552 pour un coût de 685 milliards de dinars. Mais ce que Benbada ne dit pas, c'est le nombre et le montant des projets mis sur les rails. Le ministre du Commerce qui a essuyé aussi beaucoup de critiques, a réitéré que l'Algérie ne peut pas faire marche arrière dans les négociations avec l'OMC. Bien au contraire. Pour la première fois, le représentant de l'Exécutif a reconnu que l'abrogation des deux lois relatives au dépôt des avoirs des entreprises publiques et la limitation à la création des sociétés d'importation, l'ont été sous l'injonction de l'OMC. Quant au secteur de l'éducation nationale, l'Algérie, rappelle le ministre, Boubekeur Benbouzid, n'a jamais produit autant de livres que ces cinq dernières années. 57 millions d'exemplaires en 2007 contre 26 millions avant le début de la réforme. Tous les élèves ont bénéficié de manuels scolaires. Le problème de la disponibilité ne se pose pas. Mieux, 15% des livres produits sont retournés dans les stocks. Cependant, Benbouzid reconnaît que des erreurs se sont glissées dans quelques manuels. Le ministre a annoncé que son département a poursuivi en justice, hier, les deux professeurs chargés d'élaborer le livre d'éducation civique de la cinquième année primaire, et dans lequel on a amputé un refrain de l'hymne national. «Chacun d'eux a touché 160 millions de centimes. Donc on estime qu'ils sont responsables de l'erreur découverte dans le manuel.» En dépit de «ces incidents de parcours», le premier responsable de l'éducation estime qu'il ne faut pas occulter tout ce qui a été réalisé par ce secteur, qui a pu réformer 200 programmes en un temps record. Intervenant en dernier, le ministre des Finances a fait un tour d'horizon de la situation macroéconomique du pays et annoncé la suppression progressive des comptes spéciaux, répondant ainsi aux doléances des députés qui ont émis des doutes sur la gestion de ces comptes.