C'est une longue marche qui s'est appuyée sur l'héritage réformiste de la Tunisie et le courage politique de ses décideurs. On peut reprocher tout à la Tunisie du président Zine Al Abidine Ben Ali sauf deux choses: la première est qu'elle a été l'un des rares pays au monde à avoir laissé ses frontières ouvertes aux Algériens aux pires moments des années terroristes en Algérie pendant la période sombre au milieu des années 90. Durant cette période, un embargo tacite a été imposé à l'Algérie par la majeure partie des capitales du monde. L'Algérien était alors indésirable sauf chez les voisins de l'Est. Pourtant ce n'étaient pas les menaces et les risques qui manquaient. La violence terroriste s'est manifestée des années plus tard en Tunisie et le démantèlement de cellules djihadistes liées au Gspc en janvier dernier, démontrent la tentative d'Al Qaîda de s'implanter en Afrique du Nord. Aussi, 12 islamistes ont été mis hors d'état de nuire, et les 15 autres ont été arrêtés, cela renseigne sur le danger islamiste. Même si le réseau est anéanti, il n'en demeure pas moins que le nombre des éléments composant ce ´´foyer´´ évalué à une trentaine d'hommes, détermine un commencement des groupes armés liés à Al Qaîda de constituer des bases en Tunisie. La seconde chose à marquer sur la liste des points positifs pour la Tunisie est en rapport avec la situation interne de ce pays dont la superficie est relativement petite. Incontestablement, la Tunisie est le pays le plus stable politiquement au niveau au Maghreb, voire dans le monde arabe. La stabilité politique, la paix sociale et la sécurité sont un fait. Pour les officiels du pays, il s'agit de la construction de la Tunisie et de la consolidation de son indépendance dans le cadre de la paix sociale, la sécurité et la solidarité. Cette démarche a eu une double répercussion sur le plan socioéconomique. La Tunisie séduit par sa stabilité, elle attire des touristes, donc des devises. Les étrangers et les Tunisiens circulent librement à travers tout le pays, le tourisme, qu'il soit balnéaire, saharien, culturel ou sportif prospère. Cette situation n'est évidemment pas le fruit d'une génération spontanée. Il s'agit d'une longue marche qui s'est d'abord appuyée sur l'héritage réformiste de la Tunisie et ensuite, sur le courage politique de ses décideurs. La Tunisie a poursuivi une voie sécularisée depuis la Constitution élaborée en 1956. La Tunisie a ainsi privilégié la formule de l'Islam comme «religion du pays». Cette affirmation n'a pas constitué un obstacle aux efforts de modernisation et de sécularisation entamés par les décideurs tunisiens pour réformer la société. Des mesures politiques très courageuses, qu'aucun pays dans le monde arabe et musulman n'a osé prendre, ont été prises. Les politiques tunisiens ont fait adopter un système juridique moderne, comportant un Code de statut personnel, intégré au système d'éducation publique la prestigieuse université religieuse de Zaytouna, dissous les tribunaux religieux... C'est ainsi que la Tunisie a anticipé sur l'équation islamiste qui a été différemment gérée par chacun des trois Etats du Maghreb, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc. Des différences essentiellement liées à trois facteurs: le cadre politique particulier à chaque Etat, le contexte historique de leur formation et le niveau de développement de leurs sociétés civiles respectives. Et le contexte politique tunisien se prêtait très bien à la gestion de ce fléau intelligemment contenu mais qui a toujours existé. Cela étant, la donne islamique a toujours existé. C'est en 1972 que naissait le premier mouvement islamique en Tunisie. Il portait le nom de Al Jamaâ Al Islamia devenu Mouvement de la tendance islamique (MTI). Ce mouvement se manifeste véritablement durant les années 80 et réclame publiquement l'application de la charia, et la réislamisation de la société. Il faut relever que le génie du régime tunisien a été de savoir gérer la période cruciale de ces années et d'éviter ainsi la contamination terroriste. Certes, la contamination s'est faite des années plus tard, mais le phénomène est désormais mondial avec les réseaux d'Al Qaîda. Les attentats d'Alger, de Tunis et de Casablanca, durant les deux dernières années, ont mobilisé les trois capitales, et rendu nécessaire la coordination de leurs efforts dans la lutte antiterroriste.