En réalité, Louisa Hanoune et Ouyahia ne font que répéter ce qu'avait dit, bien avant eux, le défunt président Boudiaf. «Le monde traverse une ère de turbulences et d'incertitude avec l'apparition de nouvelles menaces multiformes». Quand c'est le président Bouteflika qui l'écrit, dans l'éditorial publié par la revue El-Djeïch, l'affirmation est à prendre très au sérieux tant l'homme est rompu à la politique internationale et aux enjeux à l'échelle de la planète. De ces «nouvelles menaces multiformes» nous retiendrons celles qui visent le secteur économique et qui peuvent mettre un pays et une nation à genou sans qu'il ne soit nécessaire de tirer un seul coup de feu. Arme redoutable s'il en est, le pouvoir économique peut faire et défaire des politiques. Il peut empêcher le développement d'un pays pour mieux l'aliéner. Le néocolonialisme dont on parlait tant au début des années 70 et après l'ère la décolonisation qui a touché les pays du tiers-monde n'était pas une simple vue de l'esprit, mais une réalité qui peut s'illustrer par de grands exemples tels celui du Congo (pour ses diamants) de Tshombé ou encore cette plaie pour le Nigeria (pour son pétrole) qu'aura été la sécession du Biafra. Aujourd'hui, les méthodes ont changé à la faveur d'une certaine évolution des moeurs politiques. La promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance doit se donner bonne figure et donc oblige à une approche différente dans les rapports de force qu'entretiennent les pays pour leur défense ou pour les besoins de leur hégémonisme. Notre pays a des richesses qui attisent bien des convoitises. A ces richesses, il faut ajouter sa position géostratégique en Méditerranée, en Afrique et dans le monde arabe. Depuis peu est venue s'ajouter une politique de l'énergie en direction des pays développés comme ceux de l'Europe qui n'a pas l'heur de plaire à tout le monde. L'Espagne l'a manifesté sans mettre de gants. Alors, quand Louisa Hanoune accuse dans ses interventions publiques «la main de l'étranger» pour stigmatiser tant les actes de terrorisme que ce qu'elle considère comme étant des atteintes à notre économie, il faut vraiment être un profane de la chose politique pour s'obstiner à ne pas la comprendre ou à ne pas vouloir la comprendre. Ce qui est différent. Et quand Ahmed Ouyahia désigne, à plusieurs reprises, dans ses meetings électoraux, à la vindicte populaire «les lobbies» qui veulent faire main basse sur des pans entiers de notre économie, il sait de quoi il parle pour avoir été chef de gouvernement, avant d'être chef de parti. Donc, on ne peut douter de sa connaissance des dossiers. En réalité, Louisa Hanoune et Ouyahia ne font que répéter ce qu'avait dit, bien avant eux, le défunt président Boudiaf qui a osé accusé la «mafia politico-financière» d'être derrière la crise qui ne cesse d'agiter le pays depuis près de deux décennies. Cela dit, il ne faut pas être niais pour croire que la conjonction des actes terroristes et les coups de boutoir contre notre sécurité alimentaire (crise du lait, de la pomme de terre et celle des céréales qui ressurgit) ne sont que le fruit du hasard. Et croire qu'entre les deux, la mise à sac des coffres de nos institutions financières et le désintérêt des investisseurs étrangers pour notre pays au profit de la «revente en l'état», n'ont aucun lien. Depuis que le monde existe, les plus grandes fortunes se sont faites à la faveur des guerres. Pourquoi les fortunes algériennes échapperaient-elles à cette règle? Au contraire, le maintien de notre pays dans une situation chaotique de ni guerre, ni paix, arrange bien les affairistes. Les «lobbies» aurait dit Ouyahia. La lenteur des réformes, qu'elles soient de l'Etat, de la justice ou des banques,s'inscrit en droite ligne des intérêts mafieux. Un Etat fort, une justice ferme et un système bancaire de pointe et s'en est fini des adeptes de la «chkara». Entre la «main de l'étranger» et les «lobbies», il y a forcément une complémentarité. Les premiers encourageant les seconds qui, a leur tour, volontairement ou non, ne peuvent qu'aller dans le sens des intérêts des premiers. Là est la dure problématique qui se pose à notre pays et par voie de conséquence, à nous tous, collectivement et individuellement.