Les princes du désert tirent leur révérence au moment où se tiennent à Alger les assises du tourisme... Odette et Jean-Louis Bernosa, incontournables tour-opérateurs, leaders dans le domaine du in-coming du tourisme d'aventure au désert (particulièrement le Sahara algérien), auteurs de plusieurs livres sur l'Algérie, promoteurs de la méharée et des randonnées chamelières qui permettent de savourer chaque pas à travers les dunes, sans jamais se lasser des immensités des ergs, les cheveux blanchis par le soleil saharien, le chèche autour du cou, affichant un sourire permanent, maniant avec aisance les langues tamachektes, conseillers toujours disponibles lorsque les grands chefs du Hoggar et du Tassili daignent les consulter. Odette et Jean-Louis nous quittent. Bernosa, grand Immahog, son épouse et leurs coéquipiers spécialistes du tourisme au désert algérien se sont tous réunis cette semaine, non pour organiser un voyage de groupes cette fois-ci, ni pour créer un nouveau circuit, mais pour prendre une dernière tasse de thé ensemble sur les dunes. Ils se sont rassemblés dans le Sahara, cette fois-ci, pour lancer un dernier «adieu». C'est, en effet, l'heure de la retraite. Ils s'en vont définitivement. Après 40 ans de découvertes, d'innovation de repérages et de création, Odette et Jean-Louis Bernosa et leurs compagnons, qui ont guidé des milliers de touristes, donnent une dernière fête, pas loin de Tamanrasset. Ils ont été invités par les chefs de tribu, attentifs qu'ils étaient au respect des valeurs du Targui défendant l'environnement et le travail bien fait. Ils avaient pour chacun un mot gentil, un médicament, un pansement pour les enfants souvent écorchés par les épines, un outil utile aux pâtres hiératiques dans leur burnous de bure, de labeur, les oubliés du monde civilisé, une lame de couteau aux bergers qui gardent les chameaux. Prodiguant des attentions multiples aux valeureux hommes bleus. Pour eux, ce soir, la fête va battre son plein. Elle sera belle, impressionnante et durera trois nuits. On dégustera autour des braseros le thé, on exhumera les anciennes légendes, on battra le rappel des souvenirs. Les princes diront adieu aux notables des grands espaces. Aux femmes qui ont préparé la taguella, spécialité locale appréciée par ceux qui ont dans le regard l'étoile qui perce à l'aube des nuits blanches. Ce soir, ils diront adieu au Hoggar et s'en iront les yeux pleins de larmes vers l'avion d'Air Algérie, compagnon souvent infidèle au rendez-vous, turbulent mais quand même présent. Le désert a marqué de son empreinte les milliers de touristes amenés par nos amis. Le désert va-t-il reprendre son long silence? Est-ce la fin de l'épisode des dunes et des voyages? Tout à une fin. Riad est mort, parti explorer d'autres déserts où nos âmes déambuleront un jour quand nous prendrons à notre tour le chemin inéluctable. Bob, infatigable et curieux de tout, avec ses jeux de mots, raffinés de britishman, Kettani, redoutable machine de ponctualité, musclé, plein de charme, épris de détails de la synchronisation et ayant toujours le souci de mieux faire, Saïd, précieux, fragile et respectueux des convictions des autres...il garde en lui l'envie de remailler la toile défaite par la bêtise des hommes, convaincu de remettre sur de nouveaux rails, un tourisme nouveau et Bernosa, le génial, s'en iront, tous les quatre dans un dernier vrombissement d'avion vers le ciel et les mouvements du vent. Ces champions de la mise en valeur des richesses sahariennes qu'on ne peut facilement raconter. Ils sont ceux-là. Uniques, rares et précieux comme peuvent l'être les êtres d'exception avec grandeur d'âme et patience. Ils ont eu un credo, faire découvrir le désert. Rien de plus. Activité qu'ils se sont imposée durant 40 ans et qu'ils ont continué à accomplir malgré l'âge et la complexité de la tâche. Leur savoir-faire a fait qu'ils ont répondu avec bonheur à ceux qui voulaient visiter les vastes espaces du plus grand désert du monde, le Sahara! Les douloureux événements qui se sont déroulés entre 1990 et 2000, qu'ils soient humiliants ou fatigants, n'ont put arrêter leurs efforts. Au milieu de la tempête qu'a connue l'Algérie, les quatre amis n'ont cessé de bousculer la chance et les événements pour continuer à faire de la bonne publicité au Sahara et le désert. Grâce à leurs convictions et à la persuasion de Jean-Louis Bernosa. Le plus surprenant est qu'aucun des quatre amis ne savait que la période douloureuse de l'Algérie allait commencer ni s'éterniser. Dans cette peur et dans ce désordre, ils ont, 40 ans durant, parcouru le Hoggar et le Tassili, riant de tant de prodiges. Leurs regards fixés sur la Tahat, indomptable montagne contre le vent et le froid, majestueusement. Ils affichent leur vocation accomplie, elle contenait une prophétie. Contre haine et mépris, ils ont drainé des milliers de groupes. Tous fascinés par la majesté du Sahara. Comment ne pas être ému par ces notables nomades des temps modernes, faisant à eux quatre ce qu'aucun ministère ne pouvait réaliser? On se surprend à regretter que ces professionnels du tourisme saharien ne soient pas associés à une réflexion qui pourrait s'appeler «assises» sur le renouveau touristique algérien. Eux seuls auraient pu mondialiser notre produit moribond.