Les relations entre Alger et Paris ne sont pas sur le même registre. Faut-il prendre à la lettre les promesses émises par Nicolas Sarkozy dans le toast qu'il a échangé avec le Président Bouteflika? En fait, on voit bien qu'il y a un déphasage entre ce qui est dit et la réalité du terrain. On peut même dire qu'il y a un recul par rapport à l'état dans lequel se trouvaient les relations bilatérales du temps de Jacques Chirac. En proposant aujourd'hui un traité simplifié, à l'instar de ce qu'il avait proposé pour l'Union européenne, le chef de l'Etat français semble perdre de vue que la situation n'est pas la même: les Français avaient rejeté par référendum la nouvelle Constitution européenne. Les relations entre Alger et Paris ne sont pas sur le même registre. La même chose concerne son projet encore flou d'union méditerranéenne. Si le processus de Barcelone bat de l'aile, c'est surtout du fait de la frilosité des pays de la rive Nord, et surtout des obstacles rencontrés sur le volet politique, social et humain. En décidant de lui substituer une autre vision, essentiellement basée sur les échanges économiques, Nicolas Sarkozy espère redynamiser un ensemble sur le retour. Le terme de refondation à maintes reprises employé par Nicolas Sarkozy, renvoie à une sémantique déjà rabâchée du temps de François Mitterrand et de Lionel Jospin. Il n'y a donc rien de nouveau, sauf à considérer que Henri Guaino, qui écrit les discours de l'hôte de l'Elysée, puise dans le vocabulaire de la gauche, comme il l'a déjà fait pendant la campagne électorale en alignant des citations de Jaurès et de Victor Hugo. Les Algériens, qui jugent sur pièce, constatent bien un décalage entre les discours et les réalisations. Dans le domaine économique, c'est bien peu de dire que les Français se bousculent au portillon pour venir investir en Algérie. La pilule amère du choix de Renault de s'installer au Maroc est dure à avaler. Est-ce sans doute la raison qui a amené les autorités algériennes à surseoir à l'ouverture du capital du Crédit populaire d'Algérie, CPA, opération pour laquelle de grandes banques françaises étaient partantes. Il y a donc entre l'Algérie et la France des sujets qui fâchent, et des tabous qu'il faut briser. La sémantique utilisée par Nicolas Sarkozy, et même si beaucoup d'eau a été mise dans son leben, n'arrivera pas à rehausser l'état des relations bilatérales au niveau où elles devraient l'être, si des gestes ne sont pas joints à la parole. Les tests ADN, la loi du 23 février 2005, les restrictions apportées à la circulation des personnes, et notamment pour les personnes qui demandent des visas pour soins, sont des mesures si impopulaires de ce côté-ci de la Méditerranée, qu'il est inutile d' en rajouter. En défendant l'ardente obligation de «bâtir ensemble un avenir partagé...pour refonder les relations algéro-françaises autour du triptyque: former, investir, échanger...», Nicolas Sarkozy ne fait pas que trahir sa pensée, puisque derrière chaque mot de ce triptyque se cache une réalité peu amène. Former quoi; comment, dans quelles conditions? On a vu que les services culturels français font un travail des plus médiocres, en essayant d'imposer une vision surannée et orientée. Investir? Alors que les organisations patronales souhaitent un apport dans le domaine de la PME-PMI, les entreprises françaises restent à l'affût de contrat juteux et/ou de marchés faciles, pour des gains faciles excluant de fait toute prise de risque. Echanger quoi? Dans le domaine de la circulation des personnes, dans celui de la mémoire, dans le domaine des échanges culturels, voire même commerciaux, il est aisé de constater tous les jours un déséquilibre flagrant dans le flux des échanges entre les deux pays. Alors le triptyque de Nicolas Sarkozy? Rien que des promesses.