Il faut reconnaître au président français Nicolas Sarkozy un sacré don de retourner en sa faveur les situations les plus hypothétiques. De la même manière qu'il a réussi avec un succès qui se confirme et s'élargit de jour en jour à « débaucher » des personnalités en vue du parti socialiste qu'il a fait entrer au gouvernement, il semble avoir laissé de son séjour en Algérie auprès de ses hôtes une bonne impression bien que jouissant de l'autre côté de la Méditerranée de préjugés plutôt défavorables. Oubliées les montées au créneau de la « famille révolutionnaire » sur la glorification de la colonisation en Algérie dont Sarkozy s'était fait l'écho avant d'arrondir quelque peu les angles lors de la campagne pour l'élection présidentielle française pour se rallier l'électorat d'origine algérienne et maghrébine ! Exit les coups de colère de Bouteflika qui n'avait pas hésité à comparer les exactions commises en Algérie avec les crimes nazis ! Avec quelques mots bien ciselés en échange du lait de l'amitié que lui a offert Bouteflika à son arrivée à Alger – une tradition toute orientale avec laquelle on accueille les invités de marque – le président Sarkozy tente d'évacuer les gros nuages de l'histoire mouvementée qui assombrissent les relations entre les deux pays. « Je ne suis venu ni pour blesser ni pour m'excuser », « Je n'ai pas connu la guerre d'Algérie », « Je respecte la souffrance et le passé des Algériens », « Regardons vers l'avenir », « Il n'y a pas de repentance dans les relations d'Etat à Etat »... Les arguments présentés par Sarkozy pour rassurer les Algériens sur sa volonté à bâtir des relations apaisées et rénovées avec l'Algérie ont-ils convaincu les autorités algériennes ? En quelques heures d'une visite-éclair le président français semble avoir réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué. Il a su chevaucher la vague de l'histoire, objet d'un lourd contentieux entre Paris et Alger de façon intelligente en avouant publiquement respecter les souffrances du peuple algérien tout en se refusant, par ailleurs, de verser dans le registre « religieux » du pardon comme il l'a souligné. Une faute avouée est à moitié pardonnée dit-on. Cet adage vaut-il pour Sarkozy ? Côté algérien, aucune déclaration officielle n'a été faite pour commenter ou apprécier les déclarations très politiques du président français ; des déclarations qui tranchent avec ses propos jugés provocants en Algérie qu'il avait tenus avant son arrivée à l'Elysée. Le président Bouteflika qui s'est abstenu de faire la moindre déclaration publique en accueillant son homologue français y compris lors du point de presse clôturant la visite du président français en Algérie était-il donc sur la même longueur d'onde que son hôte français pour ne pas éprouver le besoin d'exprimer devant la presse nationale et internationale le point de vue de l'Algérie par rapport aux sujets évoqués ? Sarkozy a-t-il donc convaincu les autorités algériennes sur toute la ligne ? Le monologue franco-français auquel on a eu droit à l'occasion de la visite de Sarkozy à Alger a eu le mérite de tout dévoiler sur la vision des relations algéro-françaises de Sarkozy ainsi que ses projets pour l'Algérie et le Maghreb. A l'inverse on ne sait rien de ce que pense l'Algérie de la relecture (sincère ou de pure circonstance ?) de l'histoire faite par Sarkozy à l'occasion de son périple en Algérie, du partenariat d'exception proposé et de son projet d'Union méditerranéenne. Il a fallu attendre 24 heures pour qu'enfin un responsable algérien, le ministre des Affaires étrangères M. Mourad Medelci en l'occurrence, daigne dans un entretien à l'APS s'exprimer sur les résultats de la visite de Sarkozy en Algérie et sur l'appréciation politique qu'Alger fait de cet événement (voir article en page 3). Selon toute apparence, la visite politique éclair que le président français vient d'effectuer en Algérie se veut porteuse d'une grande symbolique. En choisissant pour son premier voyage présidentiel hors Europe de se rendre dans les pays du Maghreb et pour ce qui est le cas de l'Algérie en entamant son périple dans la région par notre pays, Sarkozy a voulu montrer tout l'intérêt qu'il accorde aux relations de la France avec les pays de la région. Cette première visite de travail de quelques heures avait manifestement un effet ballon-sonde. Tout laisse à penser qu'elle est destinée à prendre la température dans les pays du Maghreb et notamment en Algérie à la lumière des changements politiques intervenus en France avec le retour de la droite aux affaires. Le moins que l'on puisse dire est que dans notre pays Sarkozy n'a pas bonne presse de par ses déclarations sur le passé colonial de la France en Algérie et ses positions sur les questions de l'émigration et de la circulation des personnes. L'accueil chaleureux qui lui a été réservé pose la question de savoir qui a changé dans l'affaire pour que le train de l'histoire que le président français veut conjuguer au présent et au futur s'emballe subitement entre Paris et Alger ? Sarkozy ou Bouteflika ? Pour rattraper le train des relations algéro-françaises qui peine à trouver le bout tunnel Sarkozy a déjà pris rendez-vous pour l'automne prochain pour une visite d'Etat en vue de formaliser ses noces avec Alger.