Constantine a vécu, hier, un événement qui s'inscrira dans les annales. Deux chefs d'Etat, et non des moindres, ont choisi de bouleverser le quotidien des Constantinois en s'adonnant à un bain de foule émouvant. En effet, la rue constantinoise a réservé un accueil des plus chaleureux aux présidents français et algérien. Nicolas Sarkozy et Abdelaziz Bouteflika, et ont ensemble arpenté les artères principales du centre-ville de l'antique Cirta. Des acclamations, des applaudissements, des coups de baroud, les fantassins et le folklore sont venus s'ajouter au décor «singulier», aux couleurs: vert, rouge blanc et bleu, blanc, rouge. Si certains, comme à l'université Mentouri -où le chef de l'Etat français avait prononcé un discours- criaient à la discrimination de leurs compatriotes en France, et réclamaient des excuses pour le passé colonial de la France, d'autres ont choisi d'adresser des messages de paix aux deux présidents qui fendaient la cuirasse de leur garde rapprochée pour serrer quelques mains. L'ambiance y était. Nicolas Sarkozy se souviendra longtemps de cette visite d'Etat en Algérie et des petites phrases glissées à ses oreilles, comme «one, two, tree, viva l'Algérie» ou encore «les excuses sont indispensables pour la paix», «Donnez-nous des visas», «Vive Bouteflika», «Sarkozy». Tout au long des rues, les deux chefs d'Etat ne manqueront pas de saluer, avec un geste amical, les bédouins, venus des quatre coins du pays. Il est cependant important de joindre le geste à la parole. Il est vrai que Nicolas Sarkozy avait signifié, depuis l'amphithéâtre Mohamed-Seddik Benyahia de l'université Mentouri, que les Français aimaient les Algériens et qu'ensemble, il fallait construire un avenir plus radieux; il n'en demeure pas moins que certaines expressions de journalistes de la presse française, qui accompagnaient l'hôte de Constantine, n'avaient pas manqué de relever que l'ambiance était tiède. C'est comme pour contredire la présence de cette foule immense composée de femmes, d'hommes, de jeunes et moins jeunes, sortis s'exprimer dans la rue. C'est un peu cela l'hospitalité constantinoise. Pourtant, tous les médias nationaux et internationaux étaient braqués sur cette ville, où Nicolas Sarkozy avait, devant les étudiants de Constantine, rendu hommage aux hommes qui ont fait la Révolution. A l'université Mentouri, bien avant l'arrivée des deux délégations présidentielles, les étudiants étaient regroupés devant la salle de conférences. La plupart étaient venus dans l'espoir d'entendre le chef de l'Etat français, dans un geste fort digne de Constantine, exprimer les excuses de la République française. Ce fut peut-être la déception pour beaucoup d'étudiants, conscients de l'importance de ce geste. Mais pour d'autres, le discours était assez satisfaisant. Ils se sont contentés d'entendre Nicolas Sarkozy parler de l'injustice du colonialisme, de l'injustice que vit le peuple palestinien et de la crise politique qui ronge le Liban. Peut-on estimer que Nicolas Sarkozy a affiché une repentance implicite, en parlant de souffrances, d'injustice infligées par le colonialisme qu'il a eu à dénoncer haut et fort? Mais il n'aura pas assez exprimé l'ampleur des dégâts qu'a causés la France à l'Algérie. Pour beaucoup d'étudiants interrogés dans ce sens, le chef de l'Etat français n'a pas été assez clair, car pour eux, il y a eu nuance, puisque Nicolas Sarkozy a manqué de dénoncer l'occupation des terres palestiniennes, déclarant tout simplement que les Juifs ont le droit de vivre libres, sans y associer le droit des Palestiniens d'ériger leur Etat tout aussi libre. Une phrase qui a marqué les universitaires et pour longtemps.