Les citoyens tentent, comme ils le peuvent, de gérer le stress envahissant, conjugué à la peur grandissante. Les deux attentats perpétrés hier à Alger ont de nouveau plongé la capitale dans le sinistre tourbillon de la peur. Quelques instants après la première déflagration, les gens sont sortis de chez eux avec, en tête, l'idée d'un probable attentat terroriste. Dix minutes plus tard, une deuxième explosion se produit. L'inquiétude s'accentue. L'interrogation est lisible sur tous les visages. Certains pensent que les deux bombes ont explosé aux Anassers. Et ce n'est que quelques instants plus tard, qu'on apprendra les lieux du drame: le Conseil constitutionnel, sis rue 11-Décembre à El Biar et le siège du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), sis à Hydra. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. A 10h20, la circulation est devenue très ardue. Au niveau de la route Moutonnière, les automobilistes roulent péniblement. Quelques agents de police tentent de régler la circulation. Les klaxons fusent de partout. Les grosses cylindrées de la police, sirènes et gyrophares actionnés, se faufilent entre les trois files de voitures, tentant ainsi d'ouvrir le passage aux véhicules de la Protection civile. Un, deux, trois...le nombre de véhicules de la Protection civile, venus en renfort de la direction nationale, de Dar El Beïda, augmente. Leurs sirènes, écorchant les oreilles, obligent les automobilistes, les plus têtus, à céder le passage. Le nombre de policiers va croissant. La mobilisation est totale. Les éléments des forces de l'ordre n'arrêtent pas de recevoir et de transmettre les ordres sur leurs talkies-walkies. L'heure est grave. Les nerfs sous le bonnet, les citoyens tentent tant bien que mal de gérer, comme ils le peuvent, le stress envahissant, conjugué à la peur grandissante. Plusieurs d'entre eux, la mine défaite, craignent le retour aux années de braise. L'inexorable descente aux enfers, effectuée pendant les «années de la terreur», a subitement resurgi. Les mémoires se sont rafraîchies. Au 1er-Mai, les étudiants attendant l'arrivée du bus, échangent les nouvelles. «Ils disent que c'est un Cous (bus de transport universitaire, Ndlr) qui a explosé. Il est même plein d'étudiants», s'écrie une étudiante sous l'emprise d'une crise de nerfs. Tout d'un coup la nouvelle se répand. Comment ne pas y croire? Comment y croire? D'autant plus que les téléphones portables ne fonctionnent plus, faute de réseau en dérangement. Il est impossible de contacter qui que ce soit. Parmi les étudiants, la panique va crescendo. L'angoisse est à son paroxysme. Certains pensent à leurs amis qui doivent rejoindre le campus. Le climat de la peur ne s'est atténué qu'après l'annonce par un agent de l'ordre qu'aucun mort n'est déploré parmi les étudiants. Plusieurs poussent le «ouf» de soulagement. Ils apprennent par là même que deux bus étaient touchés par la déflagration. Le premier était complètement déchiqueté. Fort heureusement, il ne transportait pas d'étudiants. La seule victime déplorée est le chauffeur, décédé sur place. Le deuxième bus qui transportait une vingtaine d'étudiants, qui s'en sont sortis avec quelques blessures, n'a eu que les vitres brisées. Vers 11h, Alger est bloquée. Le quadrillage policier est entier. Les hélicoptères de surveillance survolent la capitale, sous le ciel grisâtre de décembre. Un impressionnant dispositif de sécurité est mis en place. Les ambulances sillonnent les ruelles d'Alger, gyrophares et klaxons en «furie». Cela est de même pour les fourgons, de couleur jaune, de la Protection civile. Dans les taxiphones, l'angoisse est à son pic. «Makache (il n'y a pas) le champ. Le réseau est occupé», ne cesse de crier le propriétaire du taxiphone, lui aussi sous les nerfs. Ceux qui ont des parents, des proches, des enfants ou des amis travaillant au siège du Conseil constitutionnel tentent vaille que vaille de les joindre. Les Algérois ont passé une journée apocalyptique. Au soir, Alger panse ses blessures...