«J'ai toujours entendu prononcer ce vocable «Europe» par des hommes politiques, alors qu'ils adressaient à d'autres puissances des demandes qu'ils n'osaient pas formuler en leur propre nom.» (Bismarck 1815-1898) Après Lisbonne où ils se sont retrouvés jeudi dernier pour la signature du traité simplifié, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se sont réunis, hier à Bruxelles, pour le dernier Sommet sous présidence portugaise. Deux remarques. La première est cette impression de réussite et d'optimisme en l'avenir de l'Union dû, justement, à la signature du traité constitutionnel simplifié, mettant un terme aux difficiles négociations qui les divisaient depuis leur lancement par la défunte Convention en 2004. La «fête» aurait été totale, n'était l'autre sujet de préoccupation, et c'est la deuxième remarque de ce sommet, la question du Kosovo. Bien que les ministres des Affaires étrangères aient balisé, lundi dernier à Bruxelles, le terrain politique pour une déclaration commune sur l'avenir du Kosovo, il leur revient à eux, chefs d'Etat et de gouvernement d'en fixer les termes exacts et les conditions. Bien sûr, l'UE a déjà fait savoir son soutien à l'indépendance du Kosovo, empruntant le pas aux USA qui ont tranché la question depuis la fin de la guerre en ex-Yougoslavie en 1999. La différence avec les Américains est que l'UE est une proche voisine de la Russie avec des frontières communes et avec laquelle elle entretient des relations économiques stratégiques. La Russie est le premier pourvoyeur de gaz à l'UE par exemple. La Russie, qui s'oppose à l'indépendance du Kosovo, pose un sérieux problème pour la paix dans toute la région. Son abandon du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE), son rapprochement avec l'Iran et sa reprise diplomatique dans «ses» anciennes Républiques du Caucase, illustrent sa volonté de reconquérir sa place de puissance qui pèse également sur l'avenir de l'Europe. Hier, à Bruxelles, le Conseil européen a invité le président albanais Sali Berisha, manifestant ainsi, indirectement, sa solidarité aux 90% de la population albanophone du Kosovo. L'objectif final pour le Kosovo est de rejoindre, après son indépendance, l'Albanie dans une sorte de confédération. C'est dire combien la rencontre de Bruxelles n'a pas évité, a contrario de l'optimisme affiché par les dirigeant européens, les interrogations sur l'avenir et la stabilité de l'Union. Sans doute que le paraphe du traité simplifié à Lisbonne permettra-t-il plus de cohésion dans la politique extérieure de l'UE. Là également, il faut attendre janvier 2009 pour son entrée en vigueur et surtout qu'il n'y a pas de couac chez l'un ou l'autre pays pour son adoption définitive. Si la majorité des pays prévoit son adoption par voie parlementaire, il reste qu'une grande partie des opinions publiques n'est pas acquise au traité. L'Irlande par exemple, dont la Constitution l'oblige à user du référendum populaire, risque de bloquer le traité. Est-ce la raison pour laquelle le Conseil d'hier a décidé de la mise sur pied d'un «Conseil des sages», pour réfléchir à l'avenir de l'Union aux échéances 2020-2030? C'est que cet avenir, dont feraient partie le Kosovo, l'Albanie et même la Turquie n'est pas aussi tracé, clarifié, visible. Beaucoup de questions héritées de la guerre froide, d'autres conséquentes à la mondialisation économique remontent à la surface et auxquelles l'Europe, comme le reste du monde d'ailleurs, n'a pas toutes les réponses. L'année 2008 s'annonce décisive pour l'Union. Il va lui falloir ajuster ses politiques communes et ses institutions, et surtout solder ses comptes avec les restes du conflit balkanique de la fin du siècle dernier.