«Une alliance civilisationnelle en Méditerranée passe par la consécration de nouvelles valeurs...» Les participants au Colloque international sur la civilisation méditerranéenne ont indiqué, lundi à Alger, que la construction d'une Alliance civilisationnelle en Méditerranée passe «inéluctablement» par le respect de la différence et doit être basée sur de nouvelles valeurs capables de consacrer la solidarité entre les peuples. Ce colloque, traitant du thème relatif aux crispations, médiations et métissages en Méditerranée médiévale et moderne, organisé à la Bibliothèque nationale, a permis à plusieurs universitaires, venus de Tunisie, Maroc, Syrie, Liban et Irak, aux côtés de nationaux, de mettre en relief la profondeur historique des liens entre les deux rives du Bassin méditerranéen et sa «diversité ethnique, de religions et de langues». Dans ce contexte, le Dr Mohamed Kadja (Syrie) a estimé que le penseur Ibn Rochd était «le précurseur du dialogue entre les civilisations dans l'histoire du monde musulman». Il a affirmé, dans le même sillage, qu´«Ibn Rochd a privilégié une méthodologie basée sur la raison pour comprendre la chariaâ», soulignant que «ce penseur ne voyait pas de contradiction entre la chariaâ et le rationnel». L'apport de la philosophie rationnelle grecque a été mis en avant par le Dr Kadja, à travers le mouvement de traduction de la pensée grecque et l'assimilation créatrice de cette dernière par le penseur rationnel musulman, Ibn Rochd, qui reflète, a-t-il relevé, la tolérance dans la civilisation musulmane, contrairement au monde d'aujourd'hui qui refuse la diversité et la différence. De son côté, le père Attallah Hana (Palestine) qui a présenté une communication intitulée «L'histoire du dialogue entre les religions dans le Bassin méditerranéen», a plaidé pour l'approfondissement de ce dialogue, dans le but, a-t-il dit, de chercher les points communs entre ces religions, pour sauver l'humanité. S'agissant des rapports entre les religions au Moyen-Orient, le père Attallah a indiqué que «la coexistence entre les religions musulmane et chrétienne, particulièrement en Palestine, existe depuis longtemps», ajoutant que «cet état de fait a été facilité par des origines culturelles communes et l'utilisation de la même langue». Israël, qui refuse, a-t-il dit, la coexistence avec les Palestiniens (chrétiens et musulmans), ne peut accepter le modèle de coexistence entre musulmans et chrétiens au Liban. Le Dr Houari Touati (Algérie), a soutenu, pour sa part, que la civilisation musulmane ne s'est pas basée uniquement sur l'avènement de l'Islam, à partir du moment où les différentes dynasties musulmanes ont su utiliser l'héritage culturel arabe d'El Djahilia (antéislamique) et les acquis de la pensée grecque. L'ancien ministre, M.Mohamed Laïchoubi, qui a participé au colloque avec une contribution qu'il avait déjà présentée à l'Institut royal d'Espagne, à l'occasion de l'anniversaire du processus de Barcelone, a énuméré les enjeux stratégiques qui, selon lui, font douter les analystes sur la question de l'Union de la Méditerranée. «Les deux rives du Bassin méditerranéen n'ont en commun que l'insatisfaction», a-t-il plaidé, soulignant toutefois que «cette zone de fractures devrait privilégier le projet (d'union) au détriment des valeurs qui ont fait les conflits dans la région». Intervenant sur le concept de «sécurité dans le Bassin méditerranéen», Mme Kladis Matar (Syrie), a relevé que «l'absence de l'équilibre entre les deux rives explique l'insécurité et la persistance des conflits». «Toutes les tentatives de rapprochement entre les deux rives ont échoué», a-t-elle indiqué, ajoutant que «cet état de fait s'explique par l'absence d'une langue commune et d'une approche unifiée de la question de sécurité». Abondant dans ce sens, elle a estimé que «la cristallisation d'une identité méditerranéenne a été rendue impossible par les différends relevant du sécuritaire». Pour Mme Matar, la seule issue pour «ce blocage» réside dans la construction d'une société civile capable, a-t-elle dit, de dépasser les conflits et les fractures. Quant à Mme Leïla Rahabani (Liban), qui a présenté le modèle libanais dans la coexistence entre les religions, elle a estimé que «ce pays menacé par la balkanisation dérange dans la région de par sa capacité à réduire les différences religieuses et à rendre le dialogue entre ces religions possible». «Depuis la création de l'Etat sioniste, nous vivons un conflit culturel dans la région», a-t-elle souligné, indiquant que cette partie de la rive Sud de la Méditerranée est «l'exemple vivant de la coexistence entre le Christianisme et l'Islam».