Après le cinéma français des femmes, place à Rachid Bouchareb, un enfant prodige bien de chez nous. Vertige, le cadrage est chaotique et déambule dans une pauvre salle de bains, où Marie, une blonde mouchetée, chante au téléphone pour un concours radiophonique. Elle est heureuse. Le sans-faute et les félicitations de l'animateur la comblent. Marion Vernoux a, ainsi, choisi le chapeau de son film, psychologique. Rien à faire, réalisé en 1999, clôturait jeudi dernier, aux côtés de Love me, de Laetitia Masson (2000) et Haut les coeurs, de Solveig Anspach (1999), le cycle du «cinéma français...des femmes» que la Cinémathèque algérienne a abrité depuis le 28 mars dernier. L'occasion de faire connaissance avec la sensibilité cinématographique féminine française. Marie est au chômage depuis quatorze mois, une femme qui a eu le temps de réapprendre à vivre au ralenti et au ton des futiles et superficiels produits d'une culture grand public. Rien à faire d'autre si ce n'est aller faire des courses au supermarché du coin, pour tuer le temps. Une rencontre sans promesses de lendemains avec un cadre d'entreprise, lui aussi au chômage, sera sans surprise la trame du film. Les déambulations égarées et solitaires de ces deux êtres finissent par se couler dans une même ornière. L'errance s'apaise et une complicité se tisse. Pierre, père de famille, cadre déchu, ne peut supporter son chômage. Il multiplie les entrevues et trouve en Marie une aide morale. Vernoux nous donne un aperçu sur les modes de sélection dans les grandes entreprises, des pratiques perverses qui visent à mettre les postulants à bout de nerfs. Marie, timide mère au foyer, aux horizons restreints et à l'âme simple, est l'antithèse d'un Pierre sophistiqué qu'une grande carrière dans l'environnement aseptisé et déshumanisé des grandes surfaces attend. Mais le courant passe. Les gestes fébriles et maladroits des antagonistes trahissent le mal-être devant une tentation qui ne cesse de grandir. La réalisatrice assaille compulsivement ces personnages dans le cadre, pour mieux maintenir la tension avant de la laisser s'échapper enfin dans une altercation en plein air: les choses rentrent dans l'ordre (un certain ordre) quand Marie et Pierre décident de ne plus se voir, pour un temps... Pour Marion Vernoux: «Ils se redonnaient confiance. Ils réalisaient que leur temps était compté. Ce qui était au départ un temps à tuer, un temps mort, deviendrait un temps plein comme un oeuf. Ce ne serait plus «rien à faire», mais «tout à faire». Et puis, il y aurait cette découverte foudroyante: le plaisir d'aimer alors que les autres sont au travail.» Avec le cycle Bouchareb, le ton changera à la Cinémathèque algérienne. Primé au festival du Cinéma africain de Milan, Little Sénégal, son film phare qui a suscité la critique de la communauté noire américaine à cause de la lecture qu'il donnait de la situation des Noirs africains fraîchement débarqués aux Etats-Unis et du manque de solidarité sinon du rejet auxquels ils devaient faire face notamment de la part de leurs frères de race, sera aujourd'hui le thème du débat qu'animera, selon le communiqué de la Cinémathèque, le cinéaste en personne. Un rendez-vous à ne pas rater donc, de même que le cycle qui retrace l'intégralité de son oeuvre.