Dans le commentaire comme à l'image, un nombre étourdissant d'informations ont nui à la fluidité du récit. Le film Cartouches gauloises, écrit et réalisé par Mehdi Charef, a été projeté en avant-première, mercredi soir à la salle El Mougar d'Alger. Sorti dans les salles de France en août 2007, ce film a été tourné dans plusieurs régions et villages de Tlemcen, et projeté en hors compétition lors du 60e Festival international de Cannes, en mai dernier. Le film revisite, durant une heure et demie, à travers le regard impressionnant du petit Ali, écolier et vendeur de journaux au corps chétif, les dures réalités de la présence coloniale française en Algérie. Les meilleurs amis de cet enfant de 12 ans étaient des fils de pieds-noirs qui, avec l'approche du dernier été de l'année 1962, se sont trouvés dans l'obligation de quitter le pays car ce dernier allait enfin recouvrer son indépendance après des années de lutte et de souffrances causées par la France coloniale. Ali, Gino, Nico et David sont les protagonistes du film dont les sentiments et les émotions se transmettent aux spectateurs par les expressions du visage et les regards des personnages d'une manière assez remarquable qui a fini par dissimuler la légèreté du scénario. Malgré toutes les bonnes intentions de Mehdi Charef et la sincérité de la démarche, Cartouches gauloises peine à convaincre.Les liens qui unissent les personnages ne sont pas toujours crédibles (l'amitié entre Ali et Nico a du mal à se faire ressentir) et, malgré la volonté de porter un regard objectif et juste sur les événements, le propos manque par moments de nuance (les gentils Algériens massacrés par les soldats français sans coeur...). De plus, le film est, la plupart du temps, trop froid et, du coup, ne nous émeut que très rarement. Des scènes tristes souvent horribles, où des moudjahidine se font surprendre par des patrouilles françaises qui leur tirent dessus de sang-froid suite à la trahison des harkis (supplétifs de l'armée coloniale), marquent ce film qui montre, aussi, l'humiliation des populations algériennes durant cette période. Au fil de l'histoire, Ali se retrouve seul avec sa mère. Son père est monté au maquis, son oncle a été tué et son meilleur ami, Nico a, lui aussi, quitté l'Algérie avec ses parents, le laissant, toutefois, indifférent, car Ali attendait, en effet le retour de son père et la fin des crimes coloniaux. Cartouches gauloises se termine par des images de bonheur et d'apaisement montrant des gens brandissant des drapeaux et criant Tahia El-Djazaïr! (Vive l'Algérie!). Depuis un champ, Ali fixe les montagnes soudain, il entend des hommes qui entonnent des chants patriotiques. Il court à toute vitesse vers eux, même s'ils n'apparaissent pas encore dans son champ de vision, et crie Bouya! Bouya! (père! père!) dans l'espoir de voir son père parmi ces maquisards. Dans le commentaire, comme à l'image, un nombre étourdissant d'informations ont nui à la fluidité du récit. Du petit fait vrai et éclairant aux grandes interprétations historiques, des analyses savantes aux confidences perplexes des Algériens, des images, avec un passage réalisé un demi-siècle après les événements, les images et les mots s'enchaînent à un rythme trépidant, mais précipité. Avec un minutieux et souvent malicieux sens du détail, le film donne ainsi à comprendre et à voir l'événement dans sa complexité: les principaux acteurs et l'enchaînement des faits, mais aussi les zones d'ombre qui subsistent, la manière dont la France a édifié «son mythe fondateur et la portée symbolique de la civilisation». Le réalisateur parvient aussi à transmettre la dimension humaine de ce film, à l'image de ces enfants innocents qui ne comprenaient pas les dessous d'une guerre. Certes, la tolérance et le pardon sont des vertus nobles pour la paix dans le monde en général, mais par devoir de mémoire, pas au détriment de nos martyrs qui verront leurs sacrifices s'envoler comme la fumée des Gauloises.