La proposition de dialogue, formulée par le gouvernement, semble avoir brouillé les cartes du comité des ârchs en Kabylie réuni en conclave et sorti divisé entre partisans et opposants au dialogue. Formulée à la veille d'une rentrée sociale à hauts risques politiques, sécuritaires et sociaux, cette proposition - qui n'est pas en soi nouvelle - appelant au bon sens des représentants de la Cadc de Tizi Ouzou et de l'intercommunal de Béjaïa prépare indéniablement une nouvelle phase dans les rapports troublés entre le pouvoir et les ârchs. Les répercussions sur le déroulement même de la rencontre de M'chedallah ne se sont pas fait attendre, puisque même si les dialoguistes et les radicaux sont repartis dos à dos, se donnant rendez-vous, dans une semaine, à Tizi Ouzou, le refus du dialogue n'a pas été explicitement mentionné. L'absence d'une stratégie uniforme et cohérente des représentants des ârchs a débouché sur un communiqué de la coordination interwilayas assez ambigu où un des points forts réside dans le fait que «la plate-forme d'El-Kseur est scellée, non négociable et dont les points seront explicités et vulgarisés». En faisant une proposition indirecte, soutenue par «une source gouvernementale anonyme», l'Exécutif a mis dans l'embarras un peu tout le monde. Les radicaux, d'abord, qui ne savent plus vers où mener un mouvement qui prône, dorénavant, la désobéissance civile avec comme principales actions le non-paiement des factures Sonelgaz, le maintien de la mise «en quarantaine» des brigades de la gendarmerie, et l'organisation de marches populaires, les 5 octobre et 1er novembre prochains. Justifiant leur refus épidémique du dialogue proposé, ces radicaux confondent allégrement «négociation» et «dialogue». Ils veulent que l'offre de dialogue émane officiellement et publiquement du Chef du gouvernement, Ali Benflis, et certains vont même jusqu'à déclarer que c'est au Président de la République de l'annoncer officiellement aux populations de Kabylie, pourquoi pas lors d'un... meeting à Tizi Ouzou? Les dialoguistes sont également dans l'expectative, même s'ils sortent un peu renforcés, alors qu'ils étaient et sont en minorité au sein de la Coordination interwilayas, suite à ces propositions, mais n'ont pas la latitude d'entraîner le mouvement vers la table du dialogue. Partisans de contacts même à titre officieux, pour certains d'entre eux, des délégués auraient même accompli un déplacement discret à Alger pour se réunir avec des personnalités qui servent d'intermédiaires entre le gouvernement et les ârchs. Cette rencontre aurait abouti à quelques avancées, notables - d'où le communiqué de l'APS, précise-t-on - mais sans que cela engage, officiellement, les uns et les autres à s'y conformer. Mais le problème le plus urgent, qui semble entraver la bonne marche d'un processus de dialogue politiquement incontournable, est, sans nul doute, la mainmise grandissante du FFS et du RCD, via des délégués issus de leurs rangs, qui, dans un sens ou dans un autre, pénalisent l'avancée des contacts et poussent à une dégradation de la situation en Kabylie. Si le RCD veut encadrer le mouvement pour l'amener à être une force politique structurée qui pourrait servir le parti en cas d'échéances électorales, le FFS veut faire basculer le mouvement dans une rupture totale du compromis avec ce qui émane du pouvoir. L'attitude du gouvernement Benflis conditionnera également le déroulement de ce processus. L'Exécutif semble partagé entre l'option d'entamer un dialogue sur la base de la plate-forme d'El-Kseur, tout en essayant de diluer certains points qui sont «inacceptables», tels que le retrait de la gendarmerie ou la reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle, et l'option qui consiste à tourner le dos au mouvement et élargir la consultation à d'autres représentants en Kabylie, dont des partis, des associations, des organisations professionnelles ou des personnalités locales comme l'a clairement demandé le FLN d'où est issu Benflis, parti hostile au dialogue avec les ârchs. Cette option aura pour finalité de réduire le rayonnement des ârchs. Dans les deux cas de figure, le gouvernement devra faire preuve de doigté et de diplomatie. Ayant fait preuve de patience, le gouvernement semble vouloir accélérer le rythme pour arriver à fermer l'épisode des événements de Kabylie pour se consacrer pleinement à d'autres fronts, dont celui de la recrudescence du terrorisme et des conflits sociaux qui dominent une rentrée inquiétante.