Première étape d'une tournée lors de laquelle le président pakistanais tentera d'expliquer la situation dans son pays. Il y a comme ça, des absurdités politiques que les premiers défenseurs de la démocratie soutiennent sans réserve au nom, justement, de la démocratie. Ainsi, fort convaincu de cette conception de la démocratie dans l'Occident d'aujourd'hui, le président pakistanais Pervez Musharraf, n'a éprouvé aucune difficulté à convaincre les pays de l'Union européenne de ne pas le voir comme un dictateur malgré son impopularité et la violence qui règne dans son pays. Devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen il a, ce lundi, expliqué que le peuple pakistanais n'est pas pareil à celui des pays européens: «Nous avons une société tribale, fermée, où une personne d'un clan ou une tribu ne travaillera pas, par exemple, pour une personne d'une autre tribu», a-t-il déclaré. Il ajoutera, lors d'une conférence de presse donnée dans le prestigieux hôtel Conrad: «Face à des circonstances particulières, il faut des mesures particulières, et c'est ce que j'ai fait pour maintenir l'ordre dans mon pays.» Il rappellera aux Européens qu'il leur a fallu plusieurs siècles de lutte et de combat pour conquérir le système de liberté et de démocratie dans lequel ils vivent. Journalistes comme députés n'ont pas jugé bon de lui rappeler, à leur tour, les innombrables atteintes aux libertés individuelles et collectives infligées aux Pakistanais, les purges dans les appareils de l'Etat de toutes les voix discordantes de la sienne, comme celle du président de la Cour constitutionnelle, accusé de corruption et démis de ses fonctions parce qu'il s'opposait à sa candidature pour un nouveau mandat présidentiel, le maintien en exil de ses opposants, dont feue Benazir Butho, jusqu'à la veille des élections législatives, et sous pression des Américains, selon certaines sources... Sans doute, la lutte antiterroriste que mène M.Musharraf, notamment contre les bases de repli d'Al Qaîda, situées sur ses frontières de l'est avec l'Afghanistan, lui ont valu l'indulgence et la compréhension des élus européens. Sans doute aussi, cela explique l'accueil chaleureux et le soutien ferme du secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, qui l'a reçu en milieu de journée. Fort du soutien de l'Europe et de l'Otan, M.Pervez Musharraf continuera son périple européen à Paris, ce mardi, puis à Londres sans aucune inquiétude. Peut-être une seule: comment convaincre les Européens d'investir au Pakistan? C'est ce qu'il compte faire lors de sa participation au Forum de Davos (Suisse) où il est attendu en fin de semaine. Le président pakistanais a tout de même assuré l'Europe que son pays aura des élections législatives propres, libres et transparentes le 18 février prochain. Ainsi, le peuple pakistanais passera d'un Etat «tribal et violent» à un Etat démocratique d'ici le 18 février. Ce ne sera pas le seul miracle de ce pays, puisque malgré sa situation de sous-développement et de pauvreté, il est le seul pays islamique à disposer de l'arme nucléaire. C'est la grande peur de l'Occident: un pays à plus de 97% de musulmans sunnites, où l'islamisme radical gagne du terrain et qui dispose de la bombe atomique. Ceci explique sans doute cela et particulièrement l'intérêt porté à la crise pakistanaise. Comme l'indulgence et le soutien de l'Europe et de l'Otan à M.Musharraf. La démocratie et la liberté pour les Pakistanais, ce sera pour plus tard. C'est pour cela qu'il faut bien observer que c'est là, quand même, une absurde conception de la liberté.