Ceux qui avaient sous-estimé le marché du mobile en Algérie en 2001 doivent s'en mordre les doigts aujourd'hui. «Le berger marocain ne peut jamais se séparer de sa flûte alors que le berger algérien est à tout moment prêt à la troquer (sa flûte) contre un portable.» C'est en ces termes que le président du Conseil de l'Agence de régulation des postes et télécommunications (Arpt), Mohammed Benfodil, a voulu expliquer le boom du mobile en Algérie. Il s'agit pour lui d'une «spécificité algérienne». Mais aussi pour dire, avec l'esprit pédagogique qui lui est propre, que les nouvelles technologies n'ont pas effrayé le consommateur algérien. Aucun expert, aucun spécialiste n'a prévu une ascension aussi fulgurante des télécommunications en Algérie. Ce boom imprévu de la téléphonie mobile a échappé ainsi à toutes les prévisions. «Même avec une pareille ascension, on est encore loin de la saturation tant les créneaux sont divers et variés, il y aura d'autres niches à investir et d'autres possibilités pour la téléphonie en Algérie» ajoute M.Benfodil. Avec près de 28 millions d'abonnés, le premier mois de 2008 inclus, on peut dire que les opérateurs qui ont sous-évalué leurs offres pour la première licence de téléphonie mobile en Algérie en 2001, s'en mordent les doigts aujourd'hui. Ils se rendent compte aujourd'hui de l'erreur d'appréciation monumentale qu'ils ont commise. Sept années après l'ouverture de la téléphonie, c'est le raz-de-marée. Tout le monde s'est équipé d'un portable même dans les coins les plus reculés du pays. Evoquant la démocratisation du téléphone, M.Benfodil parle tout simplement «de révolution sociale qui est en train de s'opérer tranquillement en Algérie». L'économie, les moeurs, les vieux réflexes, tout est en mutation rapide. Le mobile apporte également un sentiment de sécurité à son détenteur pour faire face aux aléas du quotidien. Le marché a atteint une croissance à deux chiffres et les constructeurs ont eu du mal à répondre à la demande. Le secteur des télécommunications emploie près de 200.000 personnes avec en sus une plus-value estimée à des milliards de dinars pour le Trésor public. Il est devenu le moteur de l'économie nationale. C'est ce qui fait dire au président du Conseil de l'Arpt: «Quand le téléphone va, tout viendra.» Avec une densité de pénétration téléphonique mobile estimée à 81%, l'Algérie peut se targuer aujourd'hui d'être le pays le plus avancé en Afrique dans ce domaine précis. «Seule l'Afrique du Sud peur rivaliser avec nous», indique-t-il. Le portable a quitté le rayon des gadgets élitistes pour devenir un simple outil à la portée du simple citoyen au même titre d'ailleurs qu'une montre chinoise. «Vanité des vanités tout est...banalité.» Il y a quelques années, exhiber son téléphone portable en public avait beaucoup de signification: c'était un signe de promotion sociale. Cela signifiait qu'on appartenait à une certaine classe, celle des nantis ou pour reprendre l'expression bien de chez nous «charika gadra». Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Même les enfants s'y mettent. Avant, c'était la cigarette qui symbolisait le passage de l'âge d'enfant à celui d'adulte. Aujourd'hui, c'est le portable. Mais cette ascension du mobile s'est faite en Algérie au détriment du fixe complètement noyé par la déferlante du mobile. Le créneau n'est pas pour autant mort. «C'est l'Internet et le haut débit qu'il faut relancer la téléphonie fixe qui a une belle opportunité», indique M.Benfodil. Le marché de la téléphonie fixe est passé de 1,5 million d'abonnés en 2000 à plus de 3 millions d'abonnés en 2007. Mais il y a aussi l'Internet, cet autre outil plus sophistiqué et plus attractif. Voilà un autre créneau qui va aiguiser l'appétit des foyers algériens dans les quelques années à venir.