Les deux options, la tenue ou le report des législatives, ont presque les mêmes chances. A deux jours de la convocation officielle du corps électoral, le suspense demeure entier quant au déroulement des élections législatives 2002. Mais les observateurs de l'actualité politique nationale prévoient deux scénarios. D'abord, la tenue du scrutin dans les délais comme le souhaitent les partis du RND, du FLN et le PRA, qui se revendiquent du clan républicain et démocratique, et le MN et le MRN du clan islamiste. Dans ce cas et si la région de Kabylie maintenait le boycott, il est vraisemblable que des partielles seront organisées ultérieurement pour notamment éviter la scission électorale qui sera une réalité de fait. A ne pas écarter dans cette même hypothèse que le vote aura quand même lieu en Kabylie, ce qui signifiera que les élections partielles n'auront pas de raison d'être. Mais c'est probablement la légitimité de l'Assemblée qui sera dans ce cas de figure mise en cause par des partis politiques, des organisations et des citoyens de cette région. Le deuxième scénario, moins probable par rapport au premier, est le report, in extremis, des élections. Cette option constitue depuis deux semaines la revendication des partis du FFS, du RCD, de l'ANR et du PT. Il faut signaler cependant que jusqu'à aujourd'hui, rien n'a filtré par rapport au report des législatives, aussi bien du Palais du gouvernement que de la présidence de la République. Au contraire, les 11 commis de l'Etat qui forment la commission nationale de préparation des législatives sont à pied d'oeuvre pour organiser le scrutin dans les délais. C'est alors qu'il faut s'interroger sur l'après-législatives 2002. Le paysage politique durant au moins cinq ans, sera le suivant : une Assemblée où siégeront trois partis islamistes (MN, MRN, MSP), aucun parti dit démocratique et une région du pays non représentée. Mais si par hasard, les autorités optent pour l'ajournement des élections et «ne pas les organiser pour la simple raison qu'il faut respecter le calendrier électoral» cela vaudrait dire de facto qu'un dialogue sera entamé entre les pouvoirs publics et la classe politique sur les questions en suspens. Ce dialogue, tributaire du report du prochain rendez-vous politique, ne sera pas axé uniquement sur le cas de la Kabylie, mais mettra sur la table des débats les propositions de sorties de crise des partis et des personnalités. En d'autres termes, envisager une autre période de transition. C'est en filigrane ce que revendiquent le FFS, le PT, le RCD, le MDS, l'ANR et plusieurs personnalités comme Taleb Ibrahimi, Sid Ahmed Ghozali, le général à la retraite Benyellès, Abdelhamid Mehri, Ali Yahia Abdenour, Mokdad Sifi, Cherif Belkacem et Benbitour. Mais c'est aussi cette option que rejettent catégoriquement les SG du FLN et du RND et avec plus de virulence Adami, Djaballah et Nahnah. En somme, le conflit autour du report (et automatiquement la transition) est essentiellement entre les partis politiques et les personnalités qu'entre ces derniers et le pouvoir. La société est, en revanche, absente. A cet effet, Luis Martinez, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales à Paris a déclaré qu'«à chaque fois qu'il y a eu des élections en Algérie, même truquées, on a vu la volonté des Algériens de débattre des questions de fond. Or jusqu'à maintenant, ce débat a toujours été étouffé». Selon lui «si l'on veut vraiment impulser un changement et donner des perspectives, il faudrait permettre à la société de se structurer». Quoi qu'il en soit, le corps électoral risque d'être convoqué lundi par le chef de l'Etat et que les législatives aient lieu, comme prévu le 30 mai prochain. Elles seront alors pratiquement les seules élections à se tenir sur un fond de contestations, peut-être jamais atteint dans le pays. Ce qui a fait dire à M.Martinez: «Qu'elles aient lieu ou non, les élections législatives ne régleront rien.» Il faut se demander aussi si le report et l'autre période de transition pourraient régler quelque chose?