Le ministre du Travail a jugé nécessaire «d'ouvrir un dialogue social de nature à trouver des solutions à l'ensemble des problèmes». Le gouvernement a-t-il enfin décidé de prendre en considération les problèmes quotidiens auxquels fait face la société algérienne? A-t-il pris conscience des mutations profondes qu'a subies cette dernière? La Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique a annoncé une grève de trois jours à partir du 24 février. Cela a apparemment servi de détonateur. M.Louh qui s'exprimait jeudi devant un regroupement national de l'encadrement des services de l'inspection du travail, a plaidé pour la consécration de «la culture du dialogue social». Ce dialogue social doit être pris en charge par le gouvernement, les organisations sociales et de patronat, ainsi que la société civile, a souligné le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. Cette déclaration vient conforter celle faite par son collègue du gouvernement, M.Abderrachid Boukerzaza. Lors d'un point de presse tenu mardi, juste après le conseil de gouvernement, le ministre de la Communication avait annoncé la nécessité d'élargir le dialogue social. Deux ministres de la République, au diapason, qui parlent de la même voix. Cela commençait par devenir une denrée rare. Qu'il y ait eu concertation, cela semble presque évident. Que l'un ait préparé le terrain à l'autre, signifie que l'actuel Exécutif a peut-être changé de fusil d'épaule. Prendra-t-il pour autant à bras-le-corps, les revendications citoyennes? Le noeud gordien d'un éventuel bras de fer gouvernement-syndicats autonomes tourne autour de la nouvelle grille des salaires. 1,5 million de travailleurs de la Fonction publique sont concernés. Elle a fait plus de mécontents que de satisfaits. Une bombe à retardement. Autant désamorcer la bombe tant qu'il est encore temps. Comment et avec qui? L'Ugta est à bout de souffle. L'incontournable Union générale des travailleurs algériens, partenaire social indiscutable du gouvernement, est en train de perdre du terrain sur le plan des luttes syndicales. Son capital sympathie est en train de fondre comme neige au soleil. De Aïssat Idir à Abdelhak Benhamouda, la Centrale syndicale a marqué de son empreinte le syndicalisme algérien. Elle a été étroitement liée au mouvement de libération nationale. Son but originel était de défendre les intérêts des travailleurs. Organisation de masse, elle renvoie l'image d'un syndicat qui aujourd'hui évolue dans la périphérie du pouvoir. Un de ses objectifs principaux a été de porter le Smig à 25.000DA d'ici son prochain congrès. Il approche à grands pas, ce XIe congrès qui doit se tenir au mois de mars. L'objectif n'est qu'à moitié atteint. La déclaration de M.Tayeb Louh qui consiste en l'élargissement du dialogue social à d'autres partenaires, est annonciatrice d'une nouvelle donne. Après le multipartisme, assisterons-nous à la démocratisation du champ syndical? M.Malek Rahmani, coordinateur national de l'enseignement supérieur, ne mâche pas ses mots: «Les autorités continuent à nous tourner le dos», a déclaré le syndicaliste du Cnes. M.Meriane, secrétaire général du Snapest, n'y va pas par trente-six chemins «c'est le mépris total». Si les déclarations du ministre du Travail venaient à se concrétiser, c'est une nouvelle ère de communication qui s'ouvrirait. Un rapport de force qui vient de s'inverser à la faveur d'une longue lutte pour des revendications légitimes et citoyennes. Un combat que les luttes ouvrières ont vu se décliner ces dernières années. Le capitalisme mondial a frappé en plein coeur le bastion des revendications ouvrières, leur outil de travail.