«2007 a été une année violente à tous les égards» C'est ce que déclare l'organisme Reporters sans frontières dans son rapport annuel 2008 pour la liberté de presse, publié en février dernier. La dernière année aura une fois de plus battu les records pour le nombre de journalistes tués, interpellés, enlevés et agressés. Une augmentation en grande partie attribuable à la guerre en Irak et à l'indifférence des pays occidentaux. C'est en Asie, au Moyen-orient, au Maghreb et en Amérique, avec au total 74 journalistes tués, 1931 agressions, menaces et interpellations que Reporters sans frontières a relevé le plus grand nombre d'entraves au journalisme. Selon l'organisme, le nombre de journalistes tués a augmenté de 244% en cinq ans. Un chiffre qui confirme l'insécurité grandissante entourant la pratique journalistique dans le monde. «Cette année a encore battu les records de cas d'entraves au journalisme. Ceci est en grande partie à cause de la guerre en Irak. Mais il y a un laxisme des Occidentaux sur l'importance de la liberté de presse pour des raisons économiques et politiques. Cette tendance au relâchement global de l'Occident permet à d'autres pays de faire encore pire», explique le président de Reporters sans frontières Canada, François Bugingo. Selon le rapport, la guerre est largement responsable de la mauvaise position de certains pays. C'est d'ailleurs en Irak que le plus de journalistes ont perdu la vie en 2007, avec un total de 47 (dont un seul n'était pas d'origine irakienne). «Il faut absolument que les autorités irakiennes et américaines - qui elles-mêmes se sont rendues coupables de violences graves envers des journalistes - prennent des mesures pour tenter de juguler cette violence. Les journalistes irakiens ne sont pas victimes de balles perdues, ils sont délibérément pris pour cibles par des groupes armés», déclare Reporters sans frontières sur son site Internet. Le journaliste correspondant pour Radio-Canada, Raymond Saint-Pierre, est du même avis. «La situation a considérablement dégénéré. L'ex-Yougoslavie est l'exemple idéal. C'est pendant ce conflit que j'ai vu, pour la première fois, qu'on mettait la tête des journalistes à prix, qu'on les visait directement. Il régnait là un désordre total et les journalistes étaient vus comme des espions, des représentants de gouvernements étrangers qui venaient empêcher de massacrer et faire la guerre bien tranquillement.» Jean-Michel Leprince, correspondant en Amérique du Sud pour Radio-Canada abonde lui aussi en ce sens. «Il y a 15 ou 20 ans, les journalistes pouvaient jouir d'une certaine neutralité. Il y avait une sorte de respect des deux camps. Depuis le 11 septembre, les journalistes occidentaux sont vus comme des Occidentaux point. Mais cela fonctionne aussi dans l'autre sens. La semaine dernière, les Etats-Unis ont arrêté un journaliste qui travaillait pour la chaîne de télévision CTV en Afghanistan et l'ont accusé d'être membre d'Al Qaîda», explique-t-il. 2008 s'annonce chargée elle aussi. Reporters sans frontières ne prévoit pas une diminution de la violence pour l'année qui a débuté avec les élections au Pakistan et en Russie et qui accueillera les Jeux olympiques de Pékin. Deux procès majeurs auront cependant lieu cette année. Les accusés des meurtres de la journaliste russe Anna Politkvoskaïa et du journaliste turc Hrant Dink feront finalement face à la justice. L'organisme dénonce d'ailleurs l'impunité des assassins de journalistes dans son rapport. Selon ses chiffres, environ 90% des assassinats demeurent partiellement ou totalement impunis.