Un film sociodramatique, qui émiette avec nous les restes d'un système «brisé», celui d'une Algérie en mal d'amour. Le film de Rochd Djigouadi, enfin projeté sur grand écran, après 10 ans de maturation et surtout de recherche de financement, aborde un sujet peu évoqué pour ne pas dire jamais filmé au cinéma. Comme dans La Symphonie marocaine de Kamal Kamal, l'histoire se déroule dans un lieu à part. D'emblée marginal. A la place des tas de ferraille, l'histoire se situe ici en pleine décharge municipale de Oued Smar. Intitulé Les Ailes brisées, il a de particulier, la pertinence de sa thématique et la mise en scène qui nous renvoie à un monde que d'aucuns jettent aux oubliettes. Autant le premier film est un hymne à l'harmonie et à la musique, autant le second, celui de Roshd Djigouadi se veut un hymne à l'innocence et à l'espoir. Produit par Mycene et réalisé dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe 2007», Les Ailes brisées est un film sociodramatique qui émiette avec nous les restes d'un système brisé, celui d'une Algérie en mal d'amour. Emouvant est ce garçon, Adel Harrat, dans la peau de cet enfant errant, Mehdi vivant au milieu des détritus avec son père adoptif, alias Amo interprété par Ahmed Benaïssa. D'autres personnages viennent se greffer à la triste histoire de ce garçonNet. Cet artiste-peintre raté et cet ancien immigré en Allemagne, des anti-héros, à la destinée «brisée» et maussade, tombés quasiment dans la clochardisation. Vivant de la vente d'objets trouvés dans cette décharge, le petit garçon espère gagner de l'argent pour faire sortir son père de ces lieux glauques. Dès lors, il décide de se rendre à Alger et d'installer une table à cigarettes tout près de Riadh El Feth. Or, le petit Mehdi fera une mauvaise rencontre, Farid Fifty et son acolyte El Far. De retour à la décharge, Mehdi découvre la tombe de son père adoptif qui a fini par succomber à sa maladie. Aussi, il décide de retourner en ville pour se venger de ses agresseurs qui lui ont volé son argent. Il commet, malgré lui un homicide sur la personne de Farid Fifty. Alors qu'il est accueilli par un gentil couple interprété par Sid Ali Kouiret et Aïda Kechoud, il est vite rattrapé par ce funeste secret et mis en prison. Mais l'inspecteur de police, alias Rachid Farès, tenace, finira par élucider cette affaire. Un happy end qui clôt ce chapitre de malheur. Mais combien d'autres enfants auront cette chance-là? Le film, Les Ailes brisées a ainsi le mérite de montrer cette face cachée de l'Algérie qu'on voudrait bien effacer de la mémoire. L'idée de ce film est portée par notre réalisateur depuis l'année 1995 et ce, après avoir vu à la télé un reportage sur la décharge de Oued Smar. Il décidera alors d'en faire un film. Il est aidé en cela, par le chanteur et réalisateur Moh KG2 dont le style belda ou houmiste, imprimé aux dialogues, ce qui lui confère toute son authenticité. Des dialogues qui, parfois, sonnent faux et certaines lenteurs sont des imperfections que le réalisateur accepte volontiers comme si elles étaient les traits de son propre enfant, nous a-t-il confié. Roshd Djigouadi est aussi romancier, son second roman, Nuit Blanche (sorti chez Apic Editions) est également une descente aux enfers dans le royaume des affairistes et des bas-fonds d'Alger. Pas si surprenant que dans le cinéma aussi, Roshd s'intéresse à ces non-dits.