Le manque flagrant en moyens humains est à l'origine du long retard que connaît l'achèvement de l'opération du recensement du cadastre. L'opération de recensement cadastral patine. Quatre ans après son lancement, seulement 8% de la superficie des zones rurales a été cadastrée alors que les zones urbaines l'ont été à hauteur de moins de 1%! Pourquoi? La raison est simple: le manque de géomètres et experts fonciers, conjugué à l'absence des moyens financiers empêchent le bon déroulement de l'opération. Cette situation, très délicate d'ailleurs, a été révélée hier par le directeur général de l'Agence nationale du cadastre (ANC), Amar Aloui. S'exprimant lors d'une rencontre consacrée à la sous-traitance de travaux cadastraux avec les géomètres et experts fonciers, M.Aloui a indiqué que l'Algérie ne compte que quelque 450 géomètres! Le constat n'est pas du tout reluisant. A travers cette dent cassée, c'est en effet l'ensemble du chaînon qui risque de s'essouffler. Des projets entiers, et pas des moindres, annoncés tambour battant, sont ainsi condamnés. A première vue, la situation paraît réparable, mais en allant dans la profondeur de la question on constate la gravité du mal. Il suffit juste de se rappeler l'affaire du géant de l'immobilier émirati Emaar, qui a annoncé son intention d'investir dans le secteur du logement en Algérie par l'injection de sommes astronomiques estimées à quelques milliards de dollars. Or, les projets de cet investisseur sont compromis faute de foncier. Ce n'est là en effet qu'un petit exemple parmi des centaines, voire des milliers d'autres exemples qui sont à l'origine de la fuite des investissements directs étrangers (IDE) vers les pays voisins. Selon le président de l'Ordre des architectes algériens et maghrébins, Abdelhamid Boudaoud, aucune APC ne dispose de carte du foncier. Pour ce dernier, il n'y a pas lieu de parler d'une crise du logement. «Il est plutôt préférable d'aborder la crise de la gestion qui ne cesse de miner le secteur de l'habitat dans notre pays», relève M.Boudaoud à chacune de ses sorties médiatiques. Par ailleurs, suivant l'argumentaire du directeur général de l'Agence nationale du Cadastre, on déduit que le problème ne sera pas réglé du jour au lendemain, du fait que le mal est plus profond qu'on ne le croit. Le manque flagrant en moyens humains est, sans aucun doute, à l'origine du long retard accusé dans l'achèvement de l'opération du recensement cadastral. Les délais impartis fixés pour la réalisation de cette démarche sont prévus pour l'année 2013, soit dans cinq ans. Réussira-t-on à respecter ces délais? En tenant compte de la superficie recensée quatre ans après que l'opération eut été entamée, on risque de répondre par la négative. Selon M.Aloui, pour les zones rurales, 23.118 ha de terres ont été cadastrés en 2007, 45.000 ha en 2006, 35.925ha en 2005 et 19.969 ha en 2004. Ce qui équivaut à une superficie cadastrée en zones rurales d'un peu plus de 125.000 ha à raison d'une moyenne de 30.000 hectares/an. Pessimiste, le premier responsable de l'ANC l'est. A juste raison selon les observateurs. «Ces chiffres sont très loin des résultats escomptés» lâche Amar Aloui non sans dépit. Le problème est donc plus sérieux que jamais. Même la convention signée en 2004 entre l'ANC et l'Office des géomètres experts fonciers (Ogef), s'avère insuffisante. Il est important de souligner qu'un nombre estimé à celui de 121 géomètres ont pris part à l'opération du recensement cadastral, en vertu de ladite convention. A se fier aux déclarations de M.Aloui, on se rend compte que les moyens humains consacrés à cette opération ne sont pas le seul facteur derrière le retard accusé dans le bon déroulement du recensement du cadastre. Le conférencier met aussi en valeur le manque criant en moyens financiers. Selon le premier responsable de l'ANC, l'enveloppe budgétaire dégagée, ne couvrira même pas 10% des besoins. Confirmant le constat établi par M.Aloui, le directeur général de l'Oref, Ahmed Benaïssa, a considéré que le travail réalisé dans le cadre de cette coopération «reste très loin des espérances» sur le plan quantitatif. A ce titre, il a plaidé pour la création de commissions mixtes aussi bien sur le plan régional que national afin de débattre ensemble des contraintes et apporter des solutions adéquates dans les délais. Cependant, il a insisté sur l'importance des actions d'information concernant l'opération du cadastre. Selon M.Benaïssa, «l'absence d'une culture du patrimoine immobilier au sein de la société et la nature juridique des actes de propriété hérités de l'époque coloniale ont compliqué le processus de l'opération cadastrale». Un long casse-tête qui tarabustera pour longtemps les pouvoirs publics, et dont la solution ne sera pas apportée avec la piètre gestion par laquelle ce domaine est géré. Un long sujet à débattre. Une longue affaire à suivre, car le jour où l'on décidera de traiter sérieusement la question, beaucoup de têtes tomberont. Mais cela ne se fera pas de sitôt.