«Je vous sollicite pour la récupération des 350 salles qui se trouvent dans un état lamentable, afin de les redistribuer au privé, et d'en finir avec la politique de la main tendue...» L'ouverture du panorama du cinéma devant se dérouler sur les trois écrans de Riadh El Feth, les 68 films réalisés dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe 2007», a eu lieu, jeudi dernier, devant un parterre de professionnels, des gens du secteur audiovisuel et cinématographique et bien évidemment des jurys, dont des Algériens et Maghrébins à l'exemple de Mohamed Chouikh, président dans la catégorie long métrage. Un autre invité d'honneur et de taille était assis juste à coté de la ministre de la Culture, le grand cinéaste René Vautier (Interview ci-dessous). Cette cérémonie d'ouverture fut marquée par la projection du deuxième film de Bouamari, Le premier pas (1997) dans lequel on retrouve la comédienne Fatouma. Celle-ci, invitée à dire quelques mots sur son mari et réalisateur disparu il y a un an, soulignera «la grande figure de cinéma» qu'était cet homme et rappellera ses qualités, son «héritage que sont le courage, le rêve, la passion pour la culture et l'amour du cinéma» avant de se taire, la gorge nouée par l'émotion. Et c'est la ministre de la Culture elle-même qui viendra à la rescousse, la prendre dans ses bras et l'emmener ailleurs...Un peu, beaucoup d'émotion pour un événement qui a failli tourner à la tragédie grecque, mais passons...Dans son allocution de bienvenue à nos invités d'outre-mer pour lesquels on est appelé à «nous regarder dans leur yeux», la ministre de la Culture lancera, solennellement, un appel de détresse aux réalisateurs algériens, sollicitant carrément leur aide pour la réhabilitation du parc de 350 salles dont la plupart dit-elle «sont soit fermées ou dans un état lamentable et qui sont entre les mains des mairies qui ne savent pas les gérer». Khalida Toumi fera clairement remarquer que le sort de ces salles est lié aux gens du cinéma, à «ces jeunes» grâce à qui elle espère remettre à flot ces salles, en les récupérant autrement au profit du privé qui permettra ainsi à renflouer de nouveau les caisses du Fdatic et soulignera-t-elle «à en finir avec la main tendue, soit la politique de la mendicité...» Elle expliquera, par ailleurs, que les lois régissant ce domaine remontent à «l'antiquité» selon ses termes, soit à 1968, une période révolue car expliquera-t-elle, «nous ne sommes plus en période de socialisme». A ce propos, elle se félicitera que l'Etat ait pu soutenir, cette année, 68 films tout en étant convaincue qu'il poursuivra encore sa mission. Abordant le sujet de la formation dont le rôle échoit à l'Ismas de Bordj El Kifan, la ministre de la Culture relèvera que sur les 60 jeunes sortants, à peine 10 arrivent à trouver un emploi. Khalida Touma prendra l'engagement auprès des deux associations, l'Arpa (Association des réalisateurs professionnels) et celle de Boualam Issaoui (Association des producteurs audiovisuels algériens), d'inclure une nouvelle clause dans les contrats de partenariat, à savoir la formation. «Le prochain accord sera signé avec l'Italie». En annonçant cela, la ministre de Culture ne savait pas qu'elle venait d'offusquer d'autres associations qui activent déjà depuis des lustres pour le cinéma en organisant et en ayant organisé déjà des ateliers de formation en faveur de jeunes cinéastes de demain. Le travail de l'association Project'heures ou encore du Haut conseil à l'Amazighité, qu'entreprend Hachemi Assad, et fait partie de son engagement dans le cadre de son festival du film amazigh en est patent. Un mot là-dessus, alors qu'il se déroule justement à l'heure actuelle des ateliers dans ce sens, à l'Ismas, aurait été le bienvenu! Or, rien là-dessus. La ministre de la Culture se contentera d'ajouter aussi son aide à Fatouma dont l'époux était sur le point de se lancer sur une nouvelle production. «La commission de lecture avait accepté le projet. C'est le minimum qu'on puisse faire pour honorer cet homme qui a tout donné au cinéma algérien». S'agissant du statut de l'artiste, s'il est plus normal qu'on puisse parler de statut et de droit avant la mort de celui-ci, Khalida Toumi nous fera signifier que ce dossier est entre les mains de Tayeb Louh, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale et c'est à lui de trancher en créant une mutuelle. «Vous savez qu'au gouvernement ça fonctionne par priorités. C'est d'abord le logement, l'eau etc., quand on leur parle d'augmenter le budget de la culture, on nous prend pour des bargos!» Un échec avoué en bonne et due forme, of the record peut-être mais un come out quand même! Comment espérer un soupçon de changement alors? Aussi, ce n'est pas du devoir des réalisateurs de récupérer les salles. Car leur devoir, à eux, c'est d'être sur un plateau de tournage...Il est beau l'avenir de la culture en Algérie...