Dans Le cri, l'artiste cherche la bonne mesure de l'harmonie que génère le corps au milieu de l'espace et du temps. Dans la pénombre, deux danseuses, Nacéra et sa soeur Dalila Belaza, dodelinant du corps sur un fond sonore d'enfants dans une aire de récréation. Le corps n'a de cesse de se balancer. Infiniment. A droite de la scène, un homme Si Larbi chante les louanges de Dieu. Une sorte de psalmodie incessante, une incantation divine dont la voix monte au fur et à mesure que les corps bougent, comme un métronome. Il s'agit de l'amorce du spectacle de danse chorégraphique de la compagnie Nacéra Belaza qui s'est produite, hélas, devant un public restreint, vendredi dernier au TNA. Un public «hermétique» à ce genre de danses. Le cri aura suscité en tout cas moult interrogations. En quête d'équilibre spatio-temporel et spirituel, cette danse de «l'intériorité», déroulera sa trame lentement mais sûrement, au bout de 50 minutes de balancement d'épaules notamment, le tout sur un fond de juxtaposition musicale. Un duo Nina Simone-Si Larbi et en deuxième partie Maria Calas/ Amy Winehouse. Les deux danseuses sont d'abord loin du public puis elles s'y approchent, créant «une péripétie» dans cette pièce. Un petit relâchement. Elles s'en éloigneront que pour mieux revenir au coeur de cette scène et libérer leurs gestes lesquels sont accentués par la vitesse de cette vidéo, jusqu'au retour final de ce pont nodal, ce petit dodelinement du corps, d'où tout est parti. Une forme d'aller vers l'ailleurs pour mieux revenir vers soi. Et si cette pièce augurait instinctivement ou inconsciemment une sorte de recherche identitaire pour cette Algérienne vivant en France? A propos de ce dodelinement du corps qui a «ennuyé» plus d'un dans la salle, Nacéra Belaza qui a tenu à rencontrer le public à la fin de la présentation, nous dira, sereine: «Ce moment m'a semblé le moteur essentiel de la danse traditionnelle. Comme je suis dans une démarche très minimaliste, très abstraite dans mon écriture, même un peu radicale, ce qui me semblait intéressant c'est de trouver à quel endroit ma démarche de danse contemporaine et la danse traditionnelle pouvaient se rejoindre et se créer le dialogue. J'ai observé pour cela plusieurs danses traditionnelles dans le monde et déterminé leur squelette. J'ai remarqué qu'elles sont souvent basées sur un mouvement intérieur comme un mouvement infini de répétition (...) l'essence d'une chose. Je sais que c'est dur et éprouvant pour le spectateur, mais il me fallait voir quelle serait la progression la plus honnête de ce balancement». S'agissant des choix des morceaux musicaux, Nacéra Belaza fait remarquer: «C'est une mise en opposition de ces deux choses, non pas un assemblage facile mais c'était nécessaire pour que la tension monte. Les deux ont besoin l'un de l'autre.». En première partie de spectacle, c'est une autre compagnie, Vent de sable, composée de quatre personnes, qui s'est produite, exprimant par des mouvements, amples et précis de danse contemporaine et hip-pop le sentiment d'oppression que rencontre chacun de nous. Ceci est aussi illustré par ce drap noir que porte sur son dos l'un des deux danseurs et que s'emploie à lui enlever l'autre danseur. Ayant à leur actif plusieurs créations, Vent de sable prépare activement une autre pièce chorégraphique, intitulé Normal. Notons que Le cri sera présenté aussi, le 25 mars prochain au théâtre régional de Annaba et le 27 mars à Oran. La danse n'étant pas figée, cette pièce, Le cri est susceptible d'être revue, nous confiera enfin Nacéra Belaza, qui n'a de cesse de s'interroger sur le fondement de l'humanité, partant de cette émotion que fait naître le corps. Reste pour elle de trouver l'équilibre parmi toutes ces ébauches...