Syndicats et patrons ont trouvé une voie consensuelle vers la concrétisation d'un pacte social. Ce qui n'était qu'une prévision hypothétique, il y a quelques mois à peine, a pris corps hier à la Maison du peuple. Une rencontre de la plus haute importance a, en effet, eu lieu entre les responsables de l'UGTA et ceux de toutes les organisations patronales représentatives, la CAP, la Cgoea, la Cnpa et l'Unep. Une occasion pour annoncer, devant un large parterre de journalistes, l'aplanissement de facto de toutes les divergences existant entre les patrons et les travailleurs. Tous les intervenants, dans un tour de table mémorable, se sont accordés à admettre que la situation socio-économique n'a jamais été aussi grave. Cette rencontre, qui semble avoir été mûrement préparée, a permis aux participants de dégager, d'entrée de jeu, des propositions de la plus haute importance. Outre la mise en place d'un pacte social et la revue à la hausse du pouvoir d'achat, les participants ont décidé de tenir au mois d'octobre une conférence socio-économique différente de celle de 95. Elle dégagera des propositions, ou des revendications concrètes. Toutes les pressions nécessaires seront mises en branle afin que ces revendications soient mises en application. Tous les intervenants, en outre, ont déploré l'absence de vision claire des autorités par rapport au type d'économie de marché que l'Algérie veut appliquer. Sidi Saïd, à ce propos, explorera même une thèse chère au PT, qui parle de bicéphalisme au sommet du pouvoir. Un constat qui fait que des relents de socialisme existent toujours alors que la mise en place de l'économie de marché traîne en longueur et ne sait toujours pas quel modèle copier. Les intervenants, qui ont tous refusé que les questions politiques soient évoquées même si chacun sait que l'économique a toujours déterminé le politique, ont tous affirmé que la coïncidence de cette rencontre avec les législatives est le simple fruit du hasard puisqu'elle avait été prévue de concert depuis une année, voire plus. Mais, ce qui fait le plus peur aux patrons et aux représentants des travailleurs, comme chacun d'eux n'a pas manqué de le souligner, c'est le fait que l'accord d'association avec l'UE, devant être signé demain, n'a fait l'objet d'aucune consultation préalable. La suppression des barrières douanières, qui ne se fera pas après douze ans, mais progressivement et immédiatement après l'entrée en vigueur de cet accord, risque d'être fatale au patronat, et donc aux travailleurs. Les représentants des quatre organisations patronales se sont tous mis d'accord pour dire que la meilleure des entreprises algériennes ne rivaliserait pas avec la plus petite des PME européennes. L'ensemble des participants, craignant fort pour le devenir de leurs outils de travail, et de l'économie nationale, a également fustigé les barons des containers que cet accord vient renforcer après que la levée par Medelci de la taxe administrée eut servi, en 2000, de véritable bouée de sauvetage pour eux et d'étouffoir pour la relance de l'économie nationale. Première nationale et historique s'il en est, patrons et syndicalistes, dont les intérêts sont également mis en péril, viennent de tomber d'accord deux années après la dernière réunion de la tripartite. Une tripartite qui, on s'en souvient, avait mis en place douze groupes de travail, et qui n'a, en fin de compte, débouché sur rien de concret. Les participants, qui comptent sur une autre tripartite afin de placer le gouvernement devant ses responsabilités, ont convenu de la nécessaire mise en place d'un pacte national. Mieux encore, et c'est là aussi une première nationale, ce sont les patrons, et non pas l'UGTA, qui ont mis en avant la nécessité de revoir à la hausse le pouvoir d'achat. Aucune relance économique n'est possible et effective si le pouvoir d'achat demeure aussi dégradé, si les citoyens continuent de s'appauvrir et s'il y en a même qui meurent littéralement de faim dans l'indifférence la plus absolue. A une de nos questions relatives au choix de la locution à mettre au-dessus des besoins exprimés, ce sont une fois de plus les patrons qui sont venus au secours de Sidi Saïd pour le mettre à l'aise, prévoir la confection d'une «plate-forme» avec tout ce que ce mot comporte dorénavant comme connotations peu fréquentables, mais aussi pour parler de revendications et non pas de propositions. En réponse à une autre question relative à l'absence d'autres syndicats des travailleurs alors que les organisations patronales étaient fortement représentées, Sidi Saïd s'est montré plus conciliant qu'à son habitude en nous déclarant, abordant le brûlant sujet d'un probable rapprochement entre l'UGTA et les syndicats au tonomes, qu'il fallait «laisser le temps au temps». Pour revenir à la conférence socio-économique nationale, deux représentants de chacune de ces organisations doivent se rencontrer le 4 mai prochain afin de mettre en place un groupe de travail. Celui-ci a charge d'évaluer les tripartites passées depuis celle de 91 jusqu'à la dernière, de dresser un bilan sans complaisance de la situation socio-économique et de coucher sur papier les revendications à formuler. Ces trois documents serviront de matière première à la plate-forme qui sera dégagée de la conférence d'octobre prochain et à laquelle l'équipe gouvernementale au grand complet sera conviée à assister. Patrons et syndicalistes semblent ne plus vouloir s'en laisser conter. Tous membres de la tripartite, ils disent avoir été floués puisque la dernière en date n'avait pas soufflé mot de l'accord d'association Algérie-UE alors qu'il était en phase de finalisation. «Nous avons avalé des couleuvres et même des boas pour mettre en avant l'intérêt suprême de la nation. Cela ne sera plus», mettra en garde le leader de la centrale UGTA. Une affaire à suivre...