Quatre parmi les responsables syndicaux pourraient passer devant la commission de discipline pour avoir fait bande à part et désobéi aux consignes de leur fédération de tutelle. Ils risquent d'être exclus de l'UGTA. Le courant ne passe pas, décidément, entre la Maison du peuple et les syndicats d'entreprise, ou certains d'entre eux du moins, et non des moindres comme celui des ports, ou encore celui de Kanaghaz, l'une des 28 filiales du mégagroupe Sonelgaz. Le procès en référé attendu le 24 novembre prochain des syndicalistes des ports en dit assez long sur une dysharmonie, à présent certaine, au sein des structures de l'UGTA, qui était déjà perceptible à travers la mollesse dans la prise en charge rapide au plus haut niveau des doléances de la base, laissant ainsi le champ libre aux syndicats dits autonomes, sous le couvert d'une sorte de dédain affiché par la centrale pour ces derniers. ? un débrayage annoncé aux ports, la Centrale syndicale avait officiellement signifié le gel de cette action, désavouant ainsi les syndicalistes et ouvrant une voie royale à la tutelle (le ministère des Transports) qui n'a pas manqué de s'engouffrer dans la brèche et d'ester promptement en justice. ? Kanaghaz, la situation est sensiblement différente dans la nature des revendications et le processus de contestation, mais elle n'en est pas moins révélatrice d'une dissonance dans la configuration verticale de l'Union des travailleurs algériens qui sort à peine d'un congrès où le poste de secrétaire général avait été âprement disputé à Sidi-Saïd par des noms connus. Le conflit existant entre le syndicat de Kanaghaz et la direction de l'entreprise a été en tout état de cause vite dépassé pour se dédoubler d'un différend entre ce même syndicat et la Fédération nationale des travailleurs des industries électriques et gazières (la FNTIEG), fédération de tutelle, et par ricochet à la Centrale syndicale. Le syndicat de l'entreprise Kanaghaz est ainsi accusé, aujourd'hui, d'avoir commis une faute qualifiée de grave en n'hésitant pas à enfreindre le règlement intérieur de l'UGTA, qui enjoint expressément à tout syndicat d'entreprise affilié “d'appliquer les orientations, décisions, résolutions et mots d'ordre des instances supérieures de l'UGTA” (art. 115 du règlement). ? travers une correspondance officielle de l'UGTA datée du 16 novembre signifiée au premier responsable syndicat de Kanaghaz, le jour même du déclenchement de la grève, l'on note que la Fédération nationale des travailleurs des industries électriques et gazières considère que le déclenchement de cette grève non seulement “n'a pas sa raison d'être” mais qu'elle revêt “un caractère illégal”. “Contraire aux principes fondamentaux de l'UGTA…” Selon nos sources, un rapport en bonne et due forme aurait été donc dressé à cet effet et déposé sur le bureau du secrétaire général de l'UGTA, et l'on n'attend plus que le retour de Sidi-Saïd de Genève où il a participé aux travaux du Bureau international du travail (BIT), sans doute aujourd'hui, pour que la question soit tranchée. En l'occurrence, des mesures disciplinaires pourraient être appliquées à l'encontre de quatre des responsables syndicalistes de Kanaghaz, principaux concernés, allant jusqu'à l'exclusion des rangs de l'UGTA. Le syndicat de l'entreprise Kanaghaz a agi en solo, en faisant faux bond au processus de négociation qui était en cours. Quatre syndicats au moins des filiales du Groupe Sonelgaz (Kahrakib, SDE, SDO, Etterkib,) lui tombent dessus qui se disent se démarquer de cette démarche “contraire aux principes fondamentaux de l'UGTA favorisant les voies du dialogue…” Mais si sanction il doit y avoir, on verra mal comment elle pourrait être appliquée aux uns et non à d'autres, ceux des ports par exemple qui, manifestement, n'ont pas attendu d'avoir eux non plus le feu vert pour déposer un préavis pour deux journées de protestation. Il aura fallu d'ailleurs, avons-nous appris de sources informées, que Sidi-Saïd négocie lui-même, directement depuis Genève, avec les responsables grévistes pour éviter le blocage des ports. Les deux mouvements de protestation, autant pour Kanaghaz que pour les ports, avaient été déclarés illégaux par la Centrale syndicale qui s'y était opposée fermement. En tout état de cause, les responsables rencontrés à la Maison du peuple cachent bien mal leur embarras, un peu désarmés d'être devancés dans le mouvement revendicatif par leur propre base. S'il ne faudrait tout de même pas crier au déni de grève par les hauts responsables de l'UGTA, ni même de rupture de coordination entre les syndicats de base, leurs fédérations, et le secrétariat national, il est cependant clair que c'est le pacte économique et social conclu il y a deux années qui risque d'être bien mis à mal, au-delà des revendications. Car pour Kanaghaz, il s'agit d'alignement de frais de mission, de frais de déplacement, de prime de panier… qu'une entreprise de la stature de Sonelgaz pourrait quand même régler aisément, si elle excluait déjà de longs et périlleux cheminements bureaucratiques qui prennent infiniment de temps. Le pacte économique et social, pour y revenir, conclu pour quatre années en octobre 2006 était là un moyen d'avoir la “paix sociale” pour réussir les grands chantiers économiques. Le secrétaire général de l'UGTA estimait alors que la mise en œuvre de ce pacte devrait être également “accompagné d'une politique de communication, afin d'assurer à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux la nécessaire visibilité leur permettant d'inscrire leurs actions de façon cohérente et coordonnée”. Sidi-Saïd ne croyait peut-être pas si bien dire, en effet. ZOUBIR FERROUKHI