A quoi peut servir un Sommet arabe, atrophié, devant une impasse politique dont la conséquence pourrait être la multiplication de milices et du terrorisme? Le Sommet arabe de Damas s'est achevé hier sans aucune initiative nouvelle. Dans la résolution finale, les dirigeants arabes ayant pris part à ce sommet vont se contenter de renouveler leur appel à Israël d'accepter le plan de paix présenté au Sommet de Beyrouth en 2002 et resté depuis lettre morte. «La sécurité d'Israël et son intégration dans la région sont tributaires d'une paix avec les pays arabes, qui ne peut être instaurée que si Israël accepte l'initiative arabe», ont souligné les participants. Des paroles, rien que des paroles. Le plan de paix prévoit une normalisation des relations entre les pays arabes et Israël en échange du retrait israélien des territoires arabes occupés depuis juin 1967, la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale et un règlement «équitable et agréé» de la question des réfugiés palestiniens. Une initiative qu'Israël a toujours rejetée. En outre, en l'absence de la moitié des 22 chefs d'Etat arabes, le sommet s'est contenté d'affirmer son soutien au plan proposé par la Ligue arabe pour mettre fin à la crise au Liban, privé de président depuis l'expiration fin novembre du mandat du pro-syrien Emile Laoud. Le sommet a appelé les dirigeants politiques libanais à élire le candidat du consensus, le général Michel Sleimane, et à convenir de la composante du gouvernement nationale dans les meilleurs délais. Entre-temps la crise du Liban persiste car les querelles pour le partage du pouvoir ne sont pas près d'être dépassées. Sur un autre plan, le sommet a chargé le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, d'entreprendre les démarches nécessaires à même d'oeuvrer à remettre les relations entre la Syrie et le Liban sur le droit chemin au mieux des intérêts des deux pays. Toujours au plan des résolutions théoriques, le sommet a exhorté à la réconciliation en Irak et à mettre fin aux affrontements entre chiites et sunnites sans pour autant condamner le terrorisme. Chose ayant amené l'Irak a refusé de paraphraser le document final. Le vice-président chiite irakien Adil Abdul-Mahdi a expliqué que Baghdad avait émis des «réserves» sur la déclaration en raison de cette absence de condamnation du terrorisme. Le gouvernement irakien, à majorité chiite et kurde, accuse les gouvernements arabes sunnites de la région de ne pas afficher une position suffisamment tranchée contre les militants sunnites qui alimentent l'insurrection en Irak. Le sommet a appelé au respect de la «légitimité palestinienne sous la direction du président Mahmoud Abbas» et au retour à la situation prévalant dans la bande de Ghaza. Ils ont apporté leur soutien à une initiative du Yémen pour une réconciliation interpalestinienne. Cependant, toutes ces résolutions risquent de fondre comme neige au soleil, bien avant que l'encre ne sèche. «Le problème est que ce qui a été décidé à l'unanimité au sein de la Ligue arabe, y compris par la Syrie, n'est pas appliqué», a estimé au premier jour le prince Saoud Al-Faycal, chef de la diplomatie saoudienne. Du fait du refus d'Israël de l'offre de paix arabe, des querelles pour le pouvoir au Liban, des affrontements entre chiites et sunnites en Irak, les portes de sortie de crise pour la région sont difficiles à trouver. Et le Sommet de Damas, marqué par l'absence des chefs d'Etat des principaux alliés de Washington dans la région, comme l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie, pour protester contre ce qu'ils considèrent être une ingérence syrienne au Liban, n'a pas trouvé le sésame. Aussi, c'est à se demander à quoi peut servir un sommet arabe, atrophié, devant une impasse politique dont la conséquence pourrait être la multiplication de milices et du terrorisme? Si ce n'est de communier avec des peuples, meurtris, le temps d'un deuil, dans la douleur. Or, tout le monde sait qui, du dehors, s'acharne à faire violence dans la région. Aussi, comment reprocher son inconsistance à la Ligue arabe, son interminable valse-hésitation entre carotte et bâton, quand les Arabes eux-mêmes poussent à la roue du désastre, quand ils sont aussi profondément divisés sur l'essentiel. De ce fait, que l'on cesse enfin de faire des réunions extraordinaires et des discours de circonstance, la panacée de tous les maux sévissant dans le monde arabe. En attentant le prochain Sommet arabe prévu en 2009 au Qatar, la région demeure sur une poudrière.