L'Hexagone n'en revient pas après la déculottée infligée par Jean-Marie Le Pen à la classe politique française. Les Français ont vécu un week-end électoral calamiteux, qu'ils n'ont pas hésité à qualifier de «catastrophique» et de «séisme politique» après la défaite historique infligée au candidat socialiste, Lionel Jospin, par Jean-Marie Le Pen. Le réveil aura été rien moins que brutal pour des Français qui, en toute conscience, ont fait des choix électoraux qui confortent un Jean-Marie Le Pen dans sa croisade contre les immigrés (africains, arabes, maghrébins), contre les juifs et contre tout ce qui fait la spécificité de la France, terre des libertés et des droits de l'Homme. Concepts aujourd'hui fortement contestés par le leader de l'extrême droite, un des tenants de l'intolérance et de la xénophobie. Toutefois, il faut vraiment être de mauvaise foi pour affirmer que les conséquences du laxisme du pouvoir français, envers l'extrême droite, étaient inattendues. En fait, c'est surtout l'ampleur du taux cumulé par l'extrême droite (entre 20 et 21% des suffrages exprimés pour Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret, Christine Boutin, Corinne Lepage) qui a stupéfié les Français leur faisant toucher du doigt les abysses dans lesquelles ils se sont plongés eux-mêmes. Réveil brutal, certes, mais il faut convenir que cette évolution de l'électorat français était prévisible et n'est pas aussi surprenante que l'on veut le faire croire, ni aussi inattendue que l'affirment les médias français. Toute chose égale par ailleurs, il faut bien relever que la donne imposée par le scrutin du 21 avril est la résultante de plusieurs années de laxisme et de laisser-aller de l'alliance droite-gauche au pouvoir, laquelle reprit à son compte certains des thèmes récurrents de l'extrême droite et du Front national (l'insécurité et l'immigration, notamment). Préférant sans doute l'original au duplicata, le peuple français a transformé cette approche maximaliste du problème de la sécurité en choix souverain. C'est en tout état de cause l'une des raisons du triomphe électoral de Jean-Marie Le Pen. Cependant, ce même peuple n'a pas hésité à exprimer sa honte, son désarroi, dès les premières estimations confirmant le succès de Le Pen. La jeunesse, surtout, était écoeurée ; elle cria haut et fort sa honte, à l'image de cette Française qui résuma la situation en déclarant: «J'ai honte, parce que nous donnons des leçons de démocratie et de liberté aux autres, quand nous déroulons le tapis rouge pour l'intolérance et la xénophobie chez nous».