«Etre sous-développé c'est accepter le modèle de développement de son maître». Germaine Tillion, pionnière de l'ethnologie et résistante française, qui s'était élevée contre la torture en Algérie, est décédée, hier, à l'âge de 101 ans. Son décès a été annoncé par Tzvetan Todorov, président de l'association Germaine Tillion. Ethnologue en Algérie dans les années 30, Germaine Tillion avait été déportée à Ravensbrück en 1943. Elle était l'une des françaises les plus décorées, et partageait avec cinq autres femmes le privilège d'être Grand-Croix de la Légion d'Honneur. Elle était Croix de guerre 1939-1945, médaillée de la Résistance avec rosette et médaillée de la Déportation pour faits de résistance. En 1955, l'ethnologue renoue avec l'Algérie à la demande du gouvernement Pierre Mendès-France, empêtré dans la crise algérienne. Elle crée les Centres sociaux pour les ruraux musulmans déplacés dont elle dénonce la «clochardisation». L'Algérie en 1957 analyse les dysfonctionnements de la société coloniale. Les ennemis complémentaires, enquête sur la torture et les lieux de détention. En 1957, en pleine Bataille d'Alger, elle avait réussi à obtenir pour quelques semaines, l'arrêt des attentats en riposte aux exécutions capitales de militants du FLN (Front de libération nationale), après une rencontre secrète avec Yacef Saadi, alors chef militaire de la Zone autonome d'Alger. Elle s'était aussi élevée avec véhémence contre la torture avec l'historien Pierre Vidal-Naquet. Germaine Tillon est connue pour ses recherches sur l'Algérie. De 1934 à 1940, jeune ethnologue, elle réalise quatre missions, dans le massif montagneux des Aurès, sur la population chaouie. Plus tard elle parlera de son expérience dans cette région d'Algérie avec beaucoup de nostalgie et d'affection. Elle soulignera le caractère généreux des populations et leur sens de la dignité et de l'honnêteté. Mais ses observations fort pertinentes sur les modes de vie, sur les traditions et sur les coutumes dans cette société berbérophone de l'Est algérien, font ressortir que les structures archaïques des Aurès sont en grande partie explicatives et justificatives du statut fait à la femme, laquelle jouissait, selon l'ethnographe, d'un statut viable mais qui a été aggravé par le processus de citadinisation. Elle a souligné à ce propos que les Aurès étaient, à cette époque-là, superficiellement islamisés, et que si les hommes l'étaient sans doute, les femmes par contre auraient été tenues à distance de ce qui aurait pu participer à leur émancipation: «Il y a eu quelque temps une école coranique dans laquelle allaient cinq ou six petits garçons. Pas les filles. D'ailleurs les femmes ne recevaient aucun enseignement religieux. Et je pense que c'était délibéré, car le Coran leur accorde des droits que la coutume leur refuse», a-t-elle mentionné. Parmi ses nombreux livres citons Algérie aurésienne, écrit en collaboration avec Nancy Wood (2001) En mars 2003 Germaine Tillon parraine le Prix de l'amitié algéro-française, à la faveur du Salon du livre à Paris. Germaine Tillon tire ainsi sa révérence quarante-huit heures seulement après le décès, à l'âge de 94 ans, d'Aimé Césaire. Homme de lettres et militant politique, originaire des Antilles, considéré comme l'un des chantres de l'émancipation des Noirs, et le symbole de la lutte des peuples contre le colonialisme.