Les animateurs du front antivote envisagent de mener une campagne parallèle. Au lendemain de la date fatidique du 22 avril, la scène politique balance entre deux types de concurrents. D'un côté, plus de 22 partis dont six grosses cylindrées dont le FLN, le RND, le MSP, le MNR et, dans un degré moindre, Ennahda, qui appellent au vote ; de l'autre, un front antivote partagé entre le boycott et la dissidence électorale. Quelles sont les capacités de mobilisation des uns et des autres à la veille de la campagne électorale? Ce qu'on peut dire, c'est qu'elle promet d'être d'une singularité sans précédent, puisque les animateurs du front antivote envisagent de mener une campagne parallèle pour conduire l'électeur à manifester de façon particulière son refus de participer au prochain scrutin. Cette bataille unique en son genre serait décisive pour les deux parties antagonistes de la région qui, semble-t-il, se sont lancées dans un combat à armes inégales dont le choc pourrait être ressenti en Grande Kabylie. La carte politique des partisans du boycott nous ramène à un dispositif regroupant deux groupes distincts: celui composé de Aït Ahmed, Ali Yahia Abdennour, Taleb El Ibrahimi et le général Rachid Benyelles, et celui où figurent le RCD, l'ANR et le MDS. Selon des sources partisanes, le travail de désobéissance envisagée par les uns et les autres sera très difficile à accomplir sachant que les partisans du boycott ne pourront s'appuyer, pour convaincre leurs ouailles, sur l'exemple des Kabyles dont les prédispositions à rejeter le scrutin étaient connues d'avance. A propos des autres régions du pays, on se demande si le dernier revirement du FFS par rapport aux élections et les déclarations de Taleb Ibrahimi qui dit disposer d'un gisement de près d'un million d'électeurs, étaient capables de gagner la partie sur une campagne qui s'annonce plutôt intense. Les partis «participationnistes» disposent pour la bataille qui s'annonce des moyens lourds. Aussi le RND, le FLN, le MSP et le MNR ne manquent-ils pas de moyens grâce auxquels ils pourraient tenir en échec la campagne qu'auront à mener de leur côté les partisans du boycott. Décidés à relever le défi quoi qu'il arrive, les tenants du front antivote ont déjà entamé leur redéploiement, mais rien n'indique qu'ils envisageraient une quelconque alliance même dans un avenir proche. Le RCD a dernièrement tenté de séduire le FFS, mais les messages codés lancés à l'endroit de ce dernier n'ont pas trouvé d'écho. Ce qui fait que le parti de Saïd Sadi devrait se contenter de l'alliance avec le MDS, pour ne citer que les partis reconnus par la loi. Selon certains, le handicap de ces trois partis est leur incapacité de sensibiliser les populations en produisant un impact de proximité contrairement au FFS. Pour autant, ils détiennent, semble-t-il encore, un atout: la presse écrite dont le tirage global ne dépasse pas les 700.000 exemplaires. Une presse qui sera d'ailleurs ouverte au camp des participationnistes qui bénéficieront de l'appui des médias lourds.. Partant d'un principe hostile à tout le processus électoral, le FFS et les personnalités politiques, tel Taleb Ibrahimi, disposent de capacités beaucoup plus conséquentes par rapport au RCD et au MDS dont les effectifs se sont étiolés au fil du temps. Le FFS, en revanche, brille par intermittence par ses sorties médiatiques et son travail de proximité, mais un tel investissement aura-t-il sur le terrain les effets escomptés par le parti d'Aït Ahmed. C'est ce qui devrait encourager le premier secrétaire du parti, M.Ahmed Djedaï, à exploiter les fruits de ses sorties médiatiques. Ce dernier a déjà arrêté un programme de meetings très riche avec lequel il sillonnera bientôt le pays en commençant par la capitale avant de se rendre à Sétif, ainsi que dans plusieurs wilayas de l'Est. Cependant d'autres cadres du FFS participeront de la même manière à la prochaine campagne antivote tout au long des 45 jours qui nous séparent de l'échéance du 30 mai. La «campagne» du FFS sera clôturée par une marche de démonstration de force semblable à celle de l'été dernier. En revanche, les observateurs s'interrogent sur les capacités du FFS d'entraîner dans sa logique les administrateurs en charge de la gestion technique du scrutin, comme il l'avait annoncé à travers ses dernières déclarations. En attendant, les observateurs parient qu'au milieu de cette bataille politique, les 17 millions d'électeurs algériens se réservent le droit de créer la surprise.