C'est comme dans un véritable jeu du chat et de la souris que s'est déroulé le 4e congrès du MSP. Guerre de clans ou conflit de personnes, la bataille a bel et bien eu lieu à la Coupole. Croche-pied par-ci, croc-en-jambe par-là, et le duo Soltani-Menasra s'est livré dans un Kumité sans précédent. Chaque partie essaie de piéger son vis-à-vis. Chacun tente de couper l'herbe sous les pieds de son rival. Pour y réussir, tous les moyens sont bons. Le combat, déjà annoncé avant le rendez-vous, a été exhibé sur le tapis de la Coupole. Les premières tentatives de «fauchage» des pieds ont commencé mardi dernier. C'est-à-dire le jour de l'ouverture des travaux du congrès. Cet événement a failli ne pas avoir lieu. Ayant pris conscience du fait que la quasi-totalité des congressistes est acquise au «patron», les «fans» de Menasra jouent leur va-tout pour arrêter le jeu et reporter le congrès. La commission chargée de la préparation du congrès, pro-Menasra, refuse de «badger» quelques délégués venus de cinq wilayas. Ils étaient empêchés d'accéder à la salle. Après deux heures de retard, le congrès s'ouvre officiellement. Le jeu de coulisses commence à donner ses résultats pour le camp de Soltani. Environ 900 congressistes signent, avec empreinte, une motion de soutien en faveur du président sortant. Une vérité mal digérée par Menasra et ses poulains. Ce dernier change de position et déclare: «Je ne me suis jamais annoncé officiellement candidat». Le jeu se poursuit à distance. Loin de cette salle, les hommes forts de chaque candidat s'engagent dans un nouveau Kata. Le camp de Menasra opte pour le sabotage et le blocage, selon les partisans de M.Soltani. La reprise des travaux est prévue à 19h30. L'heure approche mais les divergences prennent de l'ampleur. Quelques heures plus tard, la situation reste inchangée. Les travaux sont interrompus. Le congrès est bloqué. Tout au long de la soirée du mardi, rien n'a été fait. Ça freine. Aucun point n'a été abordé. Solution: reporter l'examen des points inscrits à l'ordre du jour à la journée du mercredi. Il est 9 heures. C'est l'heure prévue pour la reprise,...mais aussi pour l'anarchie et la désorganisation. Les travaux ne commencent toujours pas. Dans les coulisses, le jeu est presque terminé. La partie est finie. La balance penche de plus en plus en faveur du président sortant. Alors que les «fans» de chaque candidat se querellent à l'intérieur de la salle, les puissants de chaque partie reprennent «les négociations secrètes». C'est l'heure de trouver un compromis. Les deux présidents et quelques «poids lourds» du mouvement se donnent rendez-vous au salon d'honneur du stade du 5-Juillet pour un «déjeuner». A l'intérieur de la Coupole, la tension monte. Les militants pro-Menasra y organisent une marche. C'est une exhibition de force. Ils veulent démontrer leur poids. Plus déterminés que jamais, les délégués pro-Soltani répliquent. Organisateurs, délégués ou simples militants montrent, à leur tour, leurs muscles. Le différend est d'ordre organisationnel aux yeux des congressistes. Sans plus. Réellement, la question liée à l'organisation n'est que de la poudre aux yeux. C'est un vrai-faux problème. La divergence est plus profonde. Les problèmes réels sont en discussion loin des regards des congressistes. A quelques mètres de la Coupole, les négociations sont serrées au salon du 5-Juillet. Jusqu'à 16h, c'est le statu quo. Aucun compromis n'a été trouvé. Menasra et consorts cherchent de nouvelles techniques pour envoyer au tapis le président Soltani. Le clan de ce dernier attend juste le moment opportun pour prendre Menasra dans un étranglement croisé. Les travaux toujours bloqués, les deux parties se sont mises d'accord sur quelques points. Il est convenu de revoir l'organisation du congrès. Tous les organisateurs ont été «débadgés». Cinquante ont été désignés par le bureau national et autant par la commission d'organisation du congrès. La question liée au mode d'élection du président reste soumise aux congressistes. Les deux parties se sont entendues aussi que le vote se fera à bulletin secret. Les travaux du congrès retardés de deux jours Mais le point le plus important lors de ces négociations porte sur le bureau du congrès. L'enjeu est là. Les délégués pro-Soltani cherchent, à tout prix, à faire tomber le bureau choisi par le conseil consultatif, acquis à Menasra. Les six membres du bureau, y compris le président, sont pro-Menasra. Il fallait coûte que coûte le dissoudre. Il faut passer au vote. Le scrutin est prévu pour la soirée du mercredi. A 21h00, rien n'a été fait. Reportés jusqu'à 23h00, les travaux n'ont toujours pas repris. Ça coince. Les deux parties trouvent un autre compromis. Dans le cas où les congressistes rejetteraient le bureau du congrès, le conseil consultatif tiendrait une «séance extraordinaire» et désignerait 7 personnes dont trois membres de la commission de préparation et trois du conseil national. Quant au président du bureau, son rôle sera impartial. A 2h du matin, les travaux sont toujours paralysés. Dans la matinée du jeudi, journée programmée initialement pour la clôture, les congressistes sont toujours allongés sur le gazon du complexe sportif Mohamed-Boudiaf, le dos au soleil. Dans les coulisses, des informations concordantes faisant état du retrait de l'élection du candidat Abdelmadjid Menasra provoquent des réactions contradictoires chez les militants. Bien évidemment, tout dépend dans quel camp l'on se place. Ahmed Dane, réputé proche de Menasra, dément formellement «ces rumeurs»: «Menasra est candidat, il continuera la bataille jusqu'au bout». Dans le camp adverse, un cadre du parti, représentant la troisième voix, a vivement souhaité cette option: «Menasra doit jeter l'éponge. La salle est acquise à Soltani, qu'on le veuille ou non. Sa défaite portera un coup très dur à son avenir politique.» La discussion est interrompue. Notre interlocuteur est appelé à rejoindre la salle du congrès. «Les travaux vont commencer dans quelques minutes». Il est 10h30. Officiellement, les travaux du congrès n'ont repris que jeudi à 11h45, la presse, logiquement n'est pas conviée à assister aux séances, mais l'architecture superbe de la Coupole nous permet, à l'insu des organisateurs, de suivre les travaux à travers les différents portails vitrés de la salle. «On vous a informés que ce que vous faites est interdit?», nous demande un organisateur. «Non» répond la presse. Une réplique peu convaincante mais suffisante pour permet-tre aux médias de suivre la scène. Soltani rentre dans la salle sous un tonnerre d'applaudissements. «Soltani président» clame la majorité de l'assistance. Le président de la commission de préparation du congrès, Nasr Eddine Salem Chérif, prend la parole, annonce l'ordre du jour et prie toute personne ne disposant pas de badge de quitter la salle. Premier point à l'ordre du jour, l'élection du bureau du congrès; les résultats sont sans appel: 728 congressistes votent contre le bureau, 578 pour. Un choix vivement applaudi par la salle, mais les congressistes ne sont pas au bout de leur surprise. L'impossible réconciliation Le président de la commission de préparation du congrès affirme que le vote sera refait à bulletin secret cette fois-ci. Un choix vivement contesté par la salle. Les congressistes se lèvent munis d'un carton rouge en signe d'avertissement à Salem Chérif en scandant: «Le congrès est souverain, non au bulletin secret.» Salem Chérif résiste et défie la salle: «Le vote sera à bulletin secret; on ne fera pas marche arrière.» La tension monte d'un cran: «Barakat Ya Salem» scandent les congressistes. Des cadres du parti essaient de calmer l'assistance, en vain. Salem Chérif demande une pose de dix minutes mais les congressistes refusent. «Laissez-moi parler», supplie-t-il la salle en vain. «Barakat Ya Salem» répond la salle. Les organisateurs perdent le contrôle du congrès. Un brouhaha indescriptible s'est emparé de la salle et Salem Chérif divulgue ce qui devrait rester comme un secret: «Je vous informe que nous avons conclu un accord, hier soir (mercredi), pour permettre la poursuite des travaux du congrès. Les deux ailes (Menasra et Soltani) se sont mises d'accord sur cinq principes dont l'organisation d'un vote à bulletins secrets.» Abderrazak Mokri prend la parole et qualifie les propos de Salem Chérif «de mensonge infondé»: «Nous sommes dans une organisation islamiste. Le mensonge et la manipulation n'ont pas de place chez nous», affirme-t-il. Abdelkader Semari et Menasra calment le jeu en appelant à la sagesse. La surprise est venue de Soltani qui a contredit son bras droit Mokri en confirmant l'accord signé la veille: «Oui, nous avons contracté un accord. Salem Chérif est un homme correct et honnête et il dit la vérité.» Salem Chérif reprend la parole pour avertir: «Ne m'accusez pas de menteur, sinon je quitte la salle.» Les travaux sont suspendus. On passe au vote à bulletins secrets à partir de 16h00. Menasra et ses compagnons ont imposé l'option du vote à bulletins secrets pour, dit-on, libérer les congressistes des pressions exercées par les partisans de Soltani. Grande fut leur surprise: le vote donne encore une fois raison au président du parti sortant avec un écart plus important: 791 congressistes votent contre le bureau du congrès et 511 pour son maintien. Le bureau tombe. Un autre est élu. Il fait plus ou moins consensus parmi les congressistes puisque il est présidé par un militant «neutre» et les 6 sièges sont partagés conjointement entre les deux clans. La clôture du congrès est reportée pour samedi avec la bénédiction du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Vendredi, tous les congressistes ont rejoint la salle à partir de 9h00. «Les choses s'accélèrent», affirme Mohamed Djemaâ, le porte-parole du parti dans une déclaration à la presse. 10h30, le règlement intérieur du congrès et l'ordre du jour sont rejetés par les délégués. «Le président va présenter son bilan moral et financier. L'on passera après à l'adoption du statut du congrès.» Le deuxième point est sujet à polémique. L'article 61 introduit par le clan de Soltani, visant à élire le président du parti par les congressistes, divise le parti. Une innovation, parce que jusqu'ici, le président fut élu par le conseil consultatif. L'option du vote a été laissée aux congressistes. C'est du moins ce que nous avons appris vendredi matin. Tout a basculé à 14h00. Trois membres du bureau (pro-Menasra), démissionnent contestant l'article en question. Le congrès est bloqué. La commission des sages (constituée de 22 personnes) réunit les deux rivaux, dans une énième tentative de dégeler la situation. Une heure plus tard, les congressistes rejoignent la salle. Les leaders aussi. Menasra monte à la tribune et annonce son retrait de la course pour la présidence du parti.