«Notre objectif est de devenir la première force politique du pays.» Cette déclaration ne vient pas du premier responsable du FLN ou du RND, mais de Abdelallah Djaballah, lors d'un long entretien qu'il a bien voulu nous accorder. Le responsable du mouvement Islah sait de quoi il parle, puisqu'il a derrière lui l'un des partis islamistes les plus en vogue ces dernières années. Avec l'interdiction du Wafa et la déconsidération du MSP, il est devenu le nouvel espoir de mouvance islamiste. Le mouvement Islah est d'ailleurs né d'un mouvement de contestation au lendemain des élections présidentielles. En 1998, à l'issue d'une réunion extraordinaire, le majliss echoura décide de soutenir contre la volonté de son leader, le candidat du consensus. Furieux, Djaballah quitte la salle le coeur serré, plus déterminé que jamais à revenir sur la scène politique. Il faut dire que le parcours de ce jeune prédicateur skikdi, qui avait quitté le lycée pour gagner sa vie et passer son bac en candidat libre, est très significatif. Dès 74, il adhère au mouvement du prédicateur Mohamed Salah Abed, l'une des figures religieuses du Constantinois. Emprisonné à deux reprises en 82 et 86 pour ses opinions jugées trop tendancieuses, il boycotte l'élection présidentielle de 95 et refuse de faire partie du gouvernement de la coalition de 97. Il participe à l'opposition au sommet de Saint'Egidio et se détache volontairement du courant islamiste proche du pouvoir. Alors qu'on le disait fini politiquement, Djaballah resurgit encore plus fort que jamais et entre dans la course à la présidentielle de 99. Mieux encore, en six mois, il réussit à se venger de son ennemi juré Lahbib Adami, en créant un nouveau parti et ce, avant l'installation du gouvernement Benflis et l'instauration d'une politique de verrouillage du champ politique. En effet, après la création du mouvement Islah, aucun parti n'a réussi à obtenir son agrément. Fort du soutien de ses anciens militants et de quelques résidus du parti dissous, Djaballah n'a fait aucune faute politique censé faire baisser sa popularité, avec des députés aussi politisés que battants comme Hassen Arribi, député à Souk Ahras et Djahid Younsi considéré comme le numéro 2 du mouvement ou encore Boulahya, membre de l'APW d'Alger, mais surtout financé par Bouferach. Même si le parti a perdu un élément de valeur tel Omar Gherbi, démissionnaire du parti, il rejoint la parti de Mahdjoubi Chalabia, le MJD, El Islah reste un parti conséquent qui peut créer la surprise en raflant les sièges perdus par le MSP et Ennahda, moins crédibles aux yeux des Algériens, qui leur reprochent d'avoir fait trop de concessions au pouvoir. Dans le schéma électoral actuel, El islah est implanté à l'est du pays. Il pourrait faire un bon score dans le Centre où le MSP pourrait perdre des plumes. En revanche, à l'Ouest, El Islah tentera de tirer profit de la crise éclatée dans les rangs du RND et du FLN pour essayer de remporter le maximum de sièges. Il est clair que ces législatives seront un test important pour le parti de Djaballah qui donnera un aperçu de ses capacités de mobilisation, mais aussi de ses intentions véritables pour la présidentielle prochaine. Le jeune cheikh avait déclaré dans le même entretien que son parti avait réellement remporté 87 sièges en 97, il pourrait réaliser le même score en 2002.