Les difficultés auxquelles fait face la France pour réunir tous les pays de la rive Sud de la Méditerranée autour d'une même table, montrent le manque d'attractivité du projet. C'est justement pour éclaircir la question et unifier leur position, notamment par rapport à la présence d'Israël au sein de l'Union pour la Méditerranée, que plusieurs chefs d'Etat arabes se réunissent aujourd'hui à Tripoli en Libye. Selon des sources diplomatiques, le président de la République se rendra aujourd'hui dans la capitale libyenne, pour prendre part à ce Sommet arabe. Outre Abdelaziz Bouteflika, seront présents les présidents tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, égyptien, Hosni Moubarek et le Premier ministre marocain Abbas El-Fassi. Si aucun motif officiel n'est rendu public, les observateurs avancent que la question du projet de l'Union pour la Méditerranée sera au centre des discussions. Selon des sources diplomatiques, les pays participant au Sommet de Tripoli devront se «concerter» à propos du Sommet de Paris avant de décider d'une position commune concernant la participation ou non des pays arabes au projet de l'UPM initié par le président français. Pendant ce temps, à Paris, on pavoise déjà pour le 14 Juillet. La France présidera l'Union européenne. Le contenu du projet pour l'Union pour la Méditerranée sera connu. Il devrait être discuté et rendu public la veille à l'issue du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays membres de l'UE et des 12 pays de la rive Sud de la Méditerranée. Mais en attendant, rien n'est encore clair. Beaucoup de zones d'ombre subsistent. Il y a comme un manque de visibilité dans le projet sarkozien. Des éclaircissements sont exigés par la majorité des pays du Forum méditerranéen, notamment de la rive Sud, réunis le 6 du mois courant à Alger qui craignent que l'Europe ne «monopolise la décision». «Au cours de nos réunions, nous avons remarqué que la majorité écrasante des pays membres du Forum avaient des interrogations sur le projet d'UPM», a déclaré le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, lors d'une conférence de presse au terme de cette session. «Il y a eu des débuts de réponses mais plus d'efforts sont encore nécessaires pour arriver à une vision unifiée de ce projet», a ajouté le chef de la diplomatie algérienne. Dans une tribune titrée «UPM/Le Sud doit se faire entendre», Hervé de Charrette, ancien ministre français des Affaires étrangères, résume bien la situation en relevant que l'Union européenne table sur Bruxelles comme futur siège de l'UPM, alors que les pays du Sud souhaitent une capitale maghrébine. Ce qui dénote, souligne-t-il, «une vision stratégique différente entre les deux rives». Sur ce point, Alger, de par sa position géostratégique, ne voudrait pas être le dindon de la farce. La répartition des postes, du moins la présumée répartition divulguée dans l'entourage de l'Elysée, n'a pas été du goût d'Alger. Parmi les autres obstacles, M.Charrette a évoqué la question encore obscure du financement du futur projet: «La question importante est de savoir qui va payer et comment», a-t-il souligné, craignant que le projet «ne pâtisse de l'enchevêtrement des procédures et des contradictions qui ne manqueraient pas d'apparaître». De Charrette prône la création d'une Banque méditerranéenne d'investissement à même «d'une part, s'appuyer sur les facilités» de son homologue européenne (BEI), et, d'autre part, sur les revenus dégagés par la rente pétrolière dans les pays arabes. Une idée décriée par le représentant de la Ligue arabe, Nassif Hitti, qui s'est interrogé: «Comment pouvait-on faire appel à des fonds souverains des pays du Golfe pour financer des projets euro-méditerranéens alors que ces pays sont exclus de l'UPM, tandis que des pays de l'Europe de l'Est y sont associés». La question mérite réflexion. La proclamation de la naissance de l'UMP est, certes, prévue le 13 juillet à Paris. Mais il n'est pas dit que tous les pays y prendront part ou du moins y seront représentés au plus haut niveau. En effet, des chefs d'Etat, dont le président de la République, auraient émis des réserves quant à leur participation au Sommet. De l'aveu même de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, le Guide libyen, Mouamar El Gueddafi, «ne prendra pas part au Sommet, préférant confier cette tâche à son Premier ministre», Abderrahmane Chelgham. La participation de l'Etat hébreu au Sommet de Paris est l'argument principal qu'El Gueddafi a brandi pour justifier son boycott de cette rencontre. Il en serait de même pour le Roi du Maroc, Mohammed VI, du fait de son statut de Commandeur des croyants et également président du Comité «Al-Qods», lequel ne voudrait pas être en porte-à-faux avec le Monde arabe qui soutient la cause palestinienne. Ainsi, après la Turquie, la Libye, la Syrie ou encore l'Algérie, plusieurs pays ont exprimé de sérieuses réserves quant au projet «UPM».