«Nous devrons plutôt nous servir de nos ressources pour développer la production nationale et réhabiliter nos banques», estime le commissaire aux comptes, Djamel Djerrad. La question de la création de fonds souverains algériens était, hier, au centre des débats au forum d'El Moudjahid. «La décision du ministre des Finances concernant la création des fonds souverains est extrêmement sage», a estimé le commissaire aux comptes M.Djamel Djerrad. «Les placements sont très risqués si nous ne les maîtrisons pas», a indiqué M.Djerrad. La priorité pour lui est donnée à la réhabilitation du secteur public. «Nous avons besoins d'argent pour réhabiliter l'outil de production national plutôt que d'aller le placer dans des entreprises à l'étranger», considère l'intervenant et de s'interroger: «Si nous le ferons, qui serait responsable de ces placements?». Le problème se pose, selon le commissaire aux comptes, par rapport à la gestion et au contrôle de ces fonds souverains. Pour M.Djerrad, «nous devrons plutôt nous servir de nos ressources pour développer la production nationale et réhabiliter nos banques». De son côté, l'ancien président-directeur général de la Banque de développement local (BDL), Messaoud Boussi, juge que l'Algérie n'a pas besoin de chercher des investissements à l'étranger. Beaucoup de choses, dit-il, restent à faire encore pour l'économie nationale. «Ce n'est pas encore le jour pour créer des fonds souverains», considère-t-il. M.Boussi partage ainsi le même avis que celui de M.Djerrad. La priorité, selon lui, est donnée plutôt au développement de notre outil de production. «Nous avons besoin de diversifier notre économie et booster nos exportations hors hydrocarbures», a-t-il expliqué. Ainsi, l'Algérie affiche-t-elle une frilosité à l'égard de ces fonds?. «Ce n'est pas une frilosité mais nous ne sommes pas sûrs de gérer ces fonds», répond Mme Meriem Inel, professeur d'université. Pour Meriem Inel, la création de ces fonds «n'est pas logique». Pour sa part, Mustapha Ferfara, directeur général de la société de gestion de la Bourse des valeurs, cite nombre de points qui contraignent la création des fonds souverains, notamment le manque de visibilité sur les marchés internationaux et les réserves de change qui ne sont pas aussi importantes que celles des pays du Golfe. «Nous courons un risque lié à ces facteurs mais également à la dévaluation du dollar». Il propose, comme petite expérience, la création d'un petit fonds souverain à travers la gestion d'une partie infime des ressources et diversifier les placements, notamment auprès des Trésors européens ce qui permettrait, dit-il, une meilleure gestion du rendement de nos ressources. Une suggestion d'emblée contestée par M.Djerrad. «Il faut être pragmatique. Nous ne pouvons pas créer un fonds pour apprendre à gérer. C'est le fonds du peuple. Quand il y a un crash qui va le gérer?». Le ministre des Finances, Karim Djoudi, avait estimé que les fonds souverains ne représentaient pas une ´´réponse positive´´ qui permettrait une meilleure gestion des réserves de change. Pour le grand argentier du pays, le fonds souverain en lui-même n'est pas la solution idéale pour mieux gérer les réserves de change car il s'accompagne aussi d'«éléments de risques». Le ministre a ajouté que la création éventuelle d'un fonds souverain en Algérie nécessite «une décision économique dont il faut évaluer l'opportunité» en ajoutant que les risques auxquels font face ces fonds «doivent être appréciés minutieusement». De son côté, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, avait déclaré que l'Algérie pourrait se doter de fonds souverains dans 4 ou 5 ans pour financer des activités à l'extérieur du pays. Pour M.Khelil, «nous avons des possibilités d'investissement extraordinaires en Algérie. Nous avons un programme de 150 milliards de dollars d'investissement. Nous pensons que nous allons avoir besoin de toutes ces ressources à l'intérieur du pays». Les disponibilités du Fonds de régulation des recettes (FRR) sont actuellement de l'ordre de 3200 milliards de DA à fin 2007. Les fonds souverains sont des fonds d'investissement, créés par des Etats pour investir les revenus provenant de l'excédent de leur balance des paiements. La Chine et d'autres pays d'Asie en ont créé, mais aussi les Etats du Golfe, qui cherchent à investir leurs immenses recettes pétrolières à travers l'acquisition de plusieurs actifs d'investissement à travers le monde.