L'idée de créer un fonds souverain en Algérie dans 4 ou 5 ans, lancée récemment par le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, et ce, dans le but de financer des activités à l'extérieur du pays, a suscité un débat au niveau de la classe économique concernant l'utilité d'une telle démarche, ses effets et en particulier sa gestion, le contrôle et les risques que l'Algérie pourrait affronter, notamment avec la crise des subprimes. C'est pour cela que des économistes appellent à la prudence en l'absence d'une connaissance de ces marchés financiers trop risqués. Lors d'une table ronde tenue, hier, au forum d'El Moudjahid, M. Djerrad Djamal, expert comptable et commissaire aux comptes, également président d'honneur de l'Ordre national, a souligné que la création des fonds souverains ne devrait pas faire partie du débat actuel. Tout en appuyant la position du ministre des Finances, il a évoqué l'incapacité de l'Algérie à maîtriser les mécanismes des marchés financiers. Pour cet expert, il est impossible à n'importe quel gouvernement de parier l'argent du peuple pour apprendre à gérer ou autre. M.Djerrad répondait au directeur général de la Société de gestion de la Bourse des valeurs (SGBV), M. Mustapha Ferfara qui avait proposé de lancer une première expérience pour acquérir le savoir de la gestion des fonds souverains.Pour M. Djerrad, il faut déjà apprendre comment gérer ces fonds et les contrôler ajoutant que 44 milliards de dollars, c'est insuffisant pour la mise en place d'un tel fonds. Selon cet économiste, il faut réhabiliter l'économie nationale et les infrastructures au lieu de créer ce genre de fonds. Dans ce contexte, il a ajouté que nous n'avons pas la capacité de prendre part aux conseils d'administrations des multinationales lesquelles refusent directement une telle situation, ce qui pose, selon M. Djerrad, le problème de management. Il a ajouté qu'au lieu de penser à investir à l'étranger et créer un fonds souverain, il faut d'abord régler les problèmes internes. Citant les déclarations du président français, lors de sa visite en Arabie saoudite, portant sur la réciprocité dans l'investissement, l'expert a révélé que depuis plus de 10 ans l'Algérie s'est dotée de plusieurs textes de loi pour attirer l'investissement étranger, sans que cela ne se produise. Une situation qui, a selon lui, des causes politiques en affirmant que l'absence des IDE dans les secteurs productifs en Algérie n'a rien à voir avec les textes de régulation ou bien la stratégie économique. Dans ce cadre, il a cité quelques exemples de protectionnisme dans les pays occidentaux, notamment la France qui interdit 11 secteurs aux IDE, tandis, qu'en Algérie, il y a une ouverture totale. Cependant, sur le terrain, on trouve un intérêt particulier au seul secteur des services qui n'ont pas une valeur ajoutée selon M. Djerrad, qui a ajouté que même le bénéfice est directement transféré. Pour sa part, Mme Imina Meriem, professeur en économie à l'université d'Alger, a appelé également à la prudence en révélant qu'il faut que la philosophie économique soit définie et les objectifs également, tout en insistant sur la priorité qu'il faut donner pour sauver les entreprises nationales avant de penser à aller vers l'investissement à l'international. Les deux experts ont donné l'exemple du Koweït et de la Chine qui possèdent des fonds souverains et qui ont perdu 69 milliards de dollars à cause de la crise financière mondiale. Même son de cloche de côté du conseiller du PDG de la BDL, M. Messaoud Bousseri. Cependant, le directeur général de la Société de gestion de la Bourse des valeurs a opté pour la création des fonds souverains, car selon sa théorie, avoir des parts dans une entreprise étrangère, permettra de pousser cette dernière à investir en Algérie. Dans ce sillage, M. Karim Djoudi s'était montré prudent sur cette question. A l'occasion du dernier forum sur la finance internationale organisé mai-juin à Alger, M. Djoudi avait déclaré que le fonds souverain n'était pas un moyen qui permettait systématiquement de mieux gérer les réserves de changes. Car, selon lui, il s'accompagne aussi d'«éléments de risques». A ce propos, il avait expliqué que la crise financière internationale générée par les crédits hypothécaires à haut risque (subprime) a touché directement ou indirectement les groupes bancaires internationaux alors que «les fonds souverains s'orientent généralement vers des actifs à risques élevés». En estimant que les risques auxquels font face ces fonds «doivent être étudiés» minutieusement. Les fonds souverains sont des fonds d'investissement créés par des Etats pour investir les revenus provenant de l'excédent de leur balance de paiements. La Chine et d'autres pays d'Asie, les Etats du Golfe ont mis sur pied ces fonds pour investir leurs immenses recettes pétrolières à travers l'acquisition de plusieurs actifs d'investissements à travers le monde.