Tout en restant fidèle au répertoire traditionnel, la manière d'interpréter diffère par l'introduction de nouveaux instruments modernes. Même recalé par deux fois lors du Festival de la musique sanaâ dont la seconde édition s'est clôturée jeudi dernier au Palais de la culture, Mohamed Bachir Mazouni reste confiant. «L'essentiel pour nous est de se faire plaisir et je pense que la plupart de ceux qui sont venus nous écouter sont sortis satisfaits», avouera-t-il. Recalé pourquoi donc? Car l'Association El Djazira, qui existe depuis 1993, a son propre cachet, une particularité qui se distingue des orchestres «traditionnels» de musique andalouse. Tout en restant fidèle au répertoire andalou, c'est la manière d'interpréter qui diffère, eu égard à l'introduction de nouveaux instruments modernes jugés subversifs car étrangers à la musique de Ziryab. Qu'importe, pour notre professeur émérite au conservatoire d'Alger, l'essentiel c'est l'innovation, faire accéder notre musique andalouse au plus grand nombre de mélomanes, a fortiori à l'étranger. De toute façon, cette manière de jouer, argue-t-il, se retrouve aussi au Maroc et en Tunisie. Né à Kouba, dans les années 50, fils du musicien Mohamed Mazouni, qui était aussi professeur au conservatoire, chef d'orchestre, auteur, compositeur, Mohamed Bachir Mazouni a intégré le milieu artistique grâce à son père. «J'ai débuté avec Abderrezak Mrizek, que Dieu ait son âme, et en 1973 j'ai été l'élève de Fekhardji, en parallèle j'ai pris des cours de luth et de piano universel. J'ai quitté le conservatoire pour aller vivre sous d'autres cieux et quand l'occasion s'est présentée, on a créé l'association Fekhardjia. Par la suite, j'ai créé El Djazira en 1993 et évolué en trio au tout début», souligne-t-il. Un cadre musical andalou très réduit pour se rapprocher plus du vrai son de cette musique et s'éloigner, en quelque sorte, de la monotonie. «J'ai voulu sortir du ghetto carré dans lequel est confinée la musique andalouse. C'est pour cela que j'ai créé El Djazira avec mes élèves. On a évolué beaucoup plus à l'étranger qu'en Algérie, en Tunisie plus particulièrement où on a représenté l'Algérie durant les années 90 pendant le mois de Ramadhan. Les choses ont évolué et j'ai créé avec El Djazira un orchestre de musique de chambre. Toujours avec ce même esprit de cette musique noble, savante, qui a besoin d'être exprimée d'une autre manière celle qu'on a l'habitude d'entendre...». Un orchestre de musique de chambre est constitué de musiciens de musique classique universelle où il a été ajouté la flûte traversière, la clarinette et le piano. D'année en année, le groupe évolue. L'ensemble classique de musique andalouse est créé. Le nombre de musiciens atteint les 35 à 40 instrumentistes. El Djazira s'est ainsi agrandie. C'est ce que nous pouvons constater sur les pochettes des deux derniers albums édités sur les cinq, avec le fidèle concours de l'Office national des droits d'auteurs (Onda) et l'établissement Arts et Culture. «Le premier CD, Nouba Maya, explique le président de l'Association, B.Bahloul, est exécuté par l'ensemble dans la pure tradition. Quant au second album, Nostalgie, c'est un patchwork de pièces chantées (haouzi, aroubi) et pour affirmer le leitmotiv de l'association, l'insertion de la partie piano-voix s'impose par sa spécificité, donnant ainsi le label de l'ensemble El Djazira. Cette forme d'expression musicale rallie de plus en plus d'auditeurs de tout âge et de diverses couches sociales, l'appréciant à sa juste valeur. Se plaçant ainsi au même niveau que la musique universelle». Et M.Mazouni d'indiquer: «On considère qu'on fait de la musique, de l'enseignement, de la formation et de la communication, par l'intermédiaire de nos albums.» Très sollicité, l'ensemble El Djazira est programmé pour le mois de Ramadhan prochain, au Palais de la culture, par Arts et Culture et d'autres dates encore. «Ce qu'il y a de différent au sein d'El Djazira est le support musical au lieu qu'il soit traditionnel, est plutôt universel, cela peut être un piano, une mandoline. Il n'y a pas vraiment d'instruments traditionnels. C'est une nouvelle forme d'écoute qu'El Djazira a mis en place. on se plait à interpréter sous une nouvelle forme, le répertoire andalou qui reste à l'identique, on se fait plaisir, il faut l'écouter...», répète encore, avec le sourire, le secrétaire général de l'Association et son fondateur M.Mazouni. Et de conclure: «Ecouter une pièce chantée de façon traditionnelle et la réécouter à la manière d'El Djazira, n'est pas la même. Je pense que le public extraméditerranéen aura plus de facilité à nous écouter plutôt que cette interprétation traditionnelle pure et dure. C'est mon point de vue personnel, nous avons édité 4000 CD qui ont tous été offerts et nous comptons, toujours avec l'aide de nos sponsors, encore éditer 4000 autres CD que nous allons offrir. Cela veut dire que le public aime ce qu'on fait...».