C'est une condition sine qua non, compte tenu des lacunes constatées dans le droit pénal algérien. «L'Algérie devra adhérer à la Cour pénale internationale» cela est l'avis de l'éminent juriste, Maître Miloud Brahimi. Intervenant hier lors d'une conférence-débat animée à Alger et qui tournait autour de «La justice pénale internationale à l'épreuve de l'actualité -TPI et CPI» Maître Brahimi précise toutefois, «pour la concrétisation de cet objectif, il faudra tout d'abord procéder à la révision de la Constitution». Selon le conférencier, cette condition devient sine qua non compte tenu des lacunes constatées dans le droit pénal algérien. En effet, le droit algérien ne contient aucun point relatif aux crimes de guerre, aux crimes contre l'humanité ni, encore moins, d'articles sur les génocides. «C'est un mystère si l'Algérie n'a pas encore adhéré à la Cour pénale internationale, vu les avantages qu'elle peut y tirer» estime le conférencier. «Si la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, la Russie, ou encore Israël n'adhérent par à cette Cour est compréhensible, ce sont des bourreaux, pour l'Algérie, on ne comprend pas» ajoute-t-il. Il faut rappeler, en ce sens, que la Cour pénale internationale a été créée par le Traité de Rome, signé le 17 juillet 1998 par la Conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations unies. Elle a une existence légale depuis 2002. Au 1er juin 2008, 106 Etats ont ratifié le statut de Rome et acceptent l'autorité de la CPI. Signalons que parmi les pays arabes, seule la Jordanie a adhéré au CPI. Maître Miloud Brahimi estime que cette adhésion est importante à plus d'un titre. Se voulant plus convaincant, le conférencier explique: «Si le Liban faisait partie des membres de la Cour pénale internationale, elle aurait pu porter plainte lors de l'invasion israélienne, en 2005. Le cas est le même pour l'Irak et j'en passe». Poussant son argumentaire un peu plus loin, Maître Brahimi s'interroge sur le cas du Bahreïn et du Qatar qui refusent, purement et simplement, de faire partie du CPI. «Quand cette position vient d'Israël ou des USA, on a dit que ce sont des criminels et que leur adhésion à cette Cour va à contre-courant de leurs intérêts expansionnistes, mais quand cela vient des pays comme le Bahreïn et le Qatar, franchement, je ne vois pas l'intérêt qu'ils puissent en tirer!» s'exclame le conférencier. Revenant à la décision prise par le CPI contre le président soudanais Omar Al Bechir, poursuivi pour le génocide au Darfour, Maître Miloud Brahimi pense que, au lieu d'agir prestement, le Soudan se laisse faire. «Ce n'est que depuis que les pressions commencent à s'abattre, que Al Bechir songe réellement à agir. Mais je crois que c'est trop tard», estime le conférencier. Il a, dans cette optique, indiqué que, en se contentant de dénoncer la CPI en apportant son appui au président soudanais, la Ligue arabe est passée complètement à côté de la plaque. «Le seul qui a vu juste, estime le conférencier, c'est bien l'Union africaine». En effet, lors de sa réunion, du 21 juillet dernier à Addis Abeba, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à «surseoir au processus initié par la CPI conformément aux dispositions de l'article 16 du statut de Rome, pour que les efforts de paix en cours ne soient pas gravement compromis». Ainsi donc, vu la mondialisation qui étend ses tentacules, Maître Miloud Brahimi estime que la Justice pénale internationale finira par s'imposer, «même si cela n'est autre qu'une atteinte aux justices nationales». En d'autres termes, c'est «la souveraineté nationale qui est menacée».