L'affaire Tonic Emballage met à nu l'étrange propension des banques publiques à financer généreusement certains projets chimériques. Tonic Emballage s'avère être un vrai gouffre à finances. Une évidence que vient de révéler l'administrateur en charge de l'affaire, dite Tonic Emballage. Selon ce dernier, la dette de Tonic auprès de la Badr s'élève à 87 milliards de dinars, sa valeur liquidative ne dépasse pas, quant à elle les 31 milliards de dinars. En somme, la dette actuelle de ce géant en carton dépasserait celle des 1500 communes d'Algérie réunies (30 milliards de dinars cette année) et même le budget du métro d'Alger depuis son lancement au début des années 80. Un budget estimé à dix fois moins que les dettes de Tonic. Et aux observateurs de s'interroger: pourquoi des banques publiques s'échinent-elles à financer, avec l'argent du contribuable, des projets dont la nature chimérique devient une évidence? Des gouffres à finances en somme, alors que de jeunes entrepreneurs sous l'enseigne de l'Ansej par exemple, n'arrivent pas à débloquer le moindre soupçon de crédit. Rappelons en effet, que dans l'affaire Tonic, tout a commencé avec la plainte déposée par la Badr en 2005 contre Abdelghani Djerrar, principal associé, pour avoir bénéficié d'importants crédits sans garantie de remboursement. Ces fonds ont servi à l'acquisition des terrains d'assiette des usines, des équipements de production, à la construction des usines, mais aussi à l'achat d'au moins 64 biens personnels, dont 56 ont été saisis par la Badr, 9 hypothéqués en faveur de celle-ci, ainsi qu'à l'achat d'autres biens à usage d'habitation personnelle et véhicules haut de gamme pour les associés. Alors qu'on estime la dette actuelle de Tonic vis-à-vis de la Badr à 87,4 milliards de dinars, à laquelle il faut ajouter 11,16 milliards de dinars réclamés par les fournisseurs de cette entreprise. Le même administrateur a relevé que les recettes versées à la banque ont connu une baisse considérable jusqu'à atteindre le seuil des 10% du montant prévu et fixé par la convention de financement ou plus exactement le moratoire d'une année, de janvier 2007 à février 2008. Depuis, seules les dépenses à caractère stratégique sont exécutées par la banque. Ainsi, le constat établi par l'administrateur montre-t-il que Tonic est aujourd'hui dans une situation des plus critiques, du fait notamment de la faiblesse de sa trésorerie et de ses recettes par rapport aux besoins de financement de la matière première, pièces de rechange, énergie, salaires et charges sociales, du déséquilibre structurel de la situation financière due au financement de l'investissement par des crédits à durée inadéquate, de la non-disponibilité d'un fonds de roulement évalué à plus de 2 milliards de dinars, du déséquilibre technologique (qui ne peut être rompu que par de nouveaux investissements nécessitant des financements à moyen et long termes), du très fort endettement et ses lourdes retombées (1 milliard de dinars par trimestre), de la faible production doublée d'un faible taux de rendement (5%) et surtout de la faiblesse du management sur le plan des ressources humaines et au plan organisationnel. En dépit de ce tableau peu reluisant, l'on évoque un business plan que pourrait présenter l'entreprise Tonic et qui aurait pour finalité la sauvegarde des «meubles». En effet, l'entreprise serait tenue de présenter un business plan en guise de plan de sauvetage. Ce dernier, serait en préparation et dans lequel Tonic Emballage demande à la banque de rééchelonner sa dette. Le sort de 4000 travailleurs étant en jeu dans cette affaire. Au départ donc la banque publique qu'est la Badr prit le pari de débloquer une ligne de crédit à une Sarl, en l'occurrence Tonic Emballage. Cette ligne était évaluée à 9 milliards de dinars (900 milliards de centimes) avec, à la clé, 6 milliards de dinars en consortium avec la Cnep pour une durée de cinq ans. En bout de course, Tonic se retrouve du mauvais côté de la barrière, et donne un autre avant-goût de couleuvres présentées aux Algériens, à l'instar de l'affaire Khalifa. D'autant que le géant en papier, Tonic, ne cessait de grandir jusqu'à ce que l'affaire ait éclaté lorsque le nouveau directeur de la Badr est venu et a découvert le pot aux roses. Aussi, nombre d'Algériens s'interrogent-ils: Combien sont les entreprises à avoir englouti de la sorte des prêts de banques publiques? C'est à dire par la grâce de l'argent du contribuable. «Ce sont les barons et les lobbies d'intérêt qu'il faut pourchasser et non pas les petits revendeurs à la sauvette» disait Ouyahia en 2004, dans l'affaire Khalifa. La justice parviendra-t-elle à élucider ce nouveau dossier constitué par l'affaire dite Tonic Emballage et qui met encore à nu l'étrange propension de nos banques publiques à octroyer des crédits à perte. Finalement, ces crédits octroyés à outrance, ont souvent traduit un chaos financier lequel aboutit, dans la plupart des cas, à une overdose de scandales qui traduisent toute une gabegie bancaire.