N'allons-nous pas vers un nouveau fiasco en important massivement ce produit? Y a-t-il un trafic de ciment en Algérie? Tout porte à le croire si l'on se réfère aux déclarations de responsables du secteur ou encore à la crise latente qui couve dans ce secteur stratégique. Le président-directeur général de l'Entreprise régionale des ciments de l'Est (Erce), Abdelhamid Bendib, a estimé récemment que la hausse des prix du ciment en Algérie «est dûe à la forte demande» sur cette matière. Il a également confirmé que l'«Erce n'a procédé à aucune augmentation des prix (228,15 DA pour le sac noir ordinaire (50 kg) et 338,10 DA pour le ciment résistant aux sulfates)». On est en droit de se demander alors comment le prix d'un sac de ciment de 50 kg ne revient, en aucun cas, à moins de 500/600 DA! Pour tenter d'atténuer un tant soit peu la tension sur ce produit, l'Algérie va importer près d'un million de tonnes de ciment avant fin 2008. Ces importations devraient couvrir en partie les 18 millions de tonnes nécessaires pour alimenter les chantiers ouverts en 2008 et ceux à venir en 2009. Dans cette perspective, les cimenteries publiques ont opté pour un achat groupé d'un million/t destinées aux secteurs du bâtiment et des travaux publics. Et rebelote, serions-nous tentés de dire! Cela rappelle curieusement l'affaire de la pomme de terre dont des importations massives ont été effectuées avant d'aller pourrir dans la nature ou dans des cales de bateaux faute d'aires de stockage adéquates et conventionnées. En tout état de cause, les 12 cimenteries publiques, produisant actuellement près de 11,6 millions de tonnes de ciment, doivent se préparer à faire face à une forte augmentation de la demande, prévue d'ici la fin de l'année. Celle-ci est motivée, entre autres, par la construction de l'autoroute Est-Ouest et les dizaines d'ouvrages d'art qui la parsèment. L'autre partie de la demande, non moins importante, émane du secteur du bâtiment qui accélère la cadence pour livrer un maximum de logements avant fin 2008 et courant 2009. On espère toutefois que l'importation de quantités importantes de ciment contribuera à stabiliser le marché national qui a connu de fortes perturbations depuis le début de l'année, avec une hausse marquée des prix et un certain manque du produit. Ceci a obligé plusieurs chantiers à observer des arrêts techniques et contraint aussi des petites entreprises à mettre la clé sous le paillasson. Pour freiner la spéculation, dénoncée par Bendib, les cimenteries publiques ont conditionné la fourniture du produit aux intermédiaires et aux entreprises de construction par la délivrance d'un cahier des charges prescrivant les conditions aux clients. Par ailleurs, il est utile de rappeler le plan d'extension de trois cimenteries projetées à Chlef, Aïn El Kebira (Sétif) et Beni-Saf (Aïn Témouchent), qui produisent actuellement 4,5 millions t/an de ciment. Selon Aibeche, président du directoire de la SGP-Gica cette étape de développement du groupe sera financée à 70% par la Banque extérieure d'Algérie (BEA) aux termes d'une convention signée par Aïbeche et Mohamed Loukal, président-directeur général de la BEA. Pour augmenter la production, les cimenteries publiques vont investir 780 millions de dollars pour atteindre une production de 6 millions/t/an à l'horizon 2012. Avec l'extension des 3 cimenteries, souligne Aïbeche, 6 millions de tonnes de ciment en plus seront injectés sur le marché. Le responsable de la SGP-Gica a indiqué que les investissements dont bénéficieront les trois cimenteries, pourraient atteindre 1 milliard de dollars. N'est-il pas opportun aussi de relever que le recours à l'importation du ciment coïncide avec l'arrivée récente sur le marché du cimentier français Lafarge? Ce géant dans le domaine a pris déjà le contrôle de deux cimenteries appartenant au groupe égyptien Orascom suite à un accord signé fin 2007. Il a également acquis, faut-il le rappeler, 35% du capital de la cimenterie publique de Meftah, pour 44 millions d'euros. La direction de dix ans de cette usine, extensible à 15 ans, est incluse dans l'accord. Lafarge, qui produit actuellement 8 millions/t/an en Algérie, compte porter à lui seul sa production à 15 millions/t à l'horizon 2015. Par ailleurs, en plus de ces projets et l'extension des cimenteries publiques, Sonatrach a repris, au groupe suisse Holcim, la construction d'une cimenterie à Relizane pour 180 millions de dollars et un groupe privé algérien envisage de construire deux cimenteries ultramodernes. Avec ces trois projets d'envergure, l'Algérie devrait produire entre 30 et 40 millions de tonnes/an de ce matériau à l'horizon 2015. Un 4e projet, en partenariat avec les Iraniens, concerne la construction d'une cimenterie d'une capacité de production estimée à un million/t/an. Son financement gravite autour de 220 millions d'euros. La participation de l'Iran sera de 51%, et celle de l'Algérie de 49%. Cet accord augmentera la production nationale, actuellement de 14 millions/t/an, sachant que les prévisions d'ici l'année 2012 sont de 18 millions/t/an qui seront produites par les cimenteries publiques. En 2007, la production des cimenteries publiques avait atteint plus de 11 millions/t, soit une croissance annuelle de 8%.