Le raï a fait sa mue à Sidi Bel Abbès où ses premiers interprètes ont fait un retour remarqué et remarquable. Le phénomène raï continue de dominer l'actualité culturelle belabbèsienne, alors que l'opinion publique est désormais, plus que jamais, convaincue que le retour à l'authenticité et la réhabilitation du raï doivent s'inscrire en amont et en aval. C'est, du moins, ce qui est ressorti de la troisième et quatrième soirée du Festival national du raï, les chansons aux paroles fines et habilement choisies ont remplacé le verbe cru et subversif. On ne badine pas avec le verbe ni avec les instruments devant accompagner le raï. Ce style particulier, appartenant à l'Oranie, est en passe d'être réhabilité dans sa vocation initiale. Tout porte à le croire au vu des prestations données par Belkacem Bouteldja et Saïdi Boutaïba. Deux icônes de l'authentique chanson raï, qui ont donné ses lettres de noblesse à cette musique, longtemps dite outrageuse, en remettant les pendules à l'heure et en corrigeant la bêtise humaine basée, aux temps actuels, sur l'aspect pécuniaire, bannissant les volets poétiques et artistiques. Le raï n'est pas cette musique qu'on a confinée, pendant aussi longtemps, dans des lieux fermés. C'est aussi, cette complainte qui décrit, de façon impulsive et directe la vie quotidienne des citoyens. Trop de choses ont été, âprement, dites sur ce style populaire sorti de l'expression quotidienne des populations que des chantres comme Boutaïba Saïdi et Belkacem Bouteldja ont élevé à la dimension de l'art dans son sens vrai. Peu importe le reste. Pour Boutaïba, le verbe, en harmonie avec le rythme, prime. Malgré une interprétation sobre et dépouillée, le public qui était acquis au raï des temps modernes, a été renvoyé aux années d'or où le raï était à son summum. D'autant que cette musique est accompagnée par des instruments simples. Le public de Sidi Bel Abbès est un fin connaisseur des arts, notamment le sien, à savoir le chant et la musique raï la vraie. Des familles qui ont, depuis des années, boudé les salles des spectacles, ont, du coup, renoué avec les spectacles et le raï, en se rendant massivement au stade du 24-Février. Idem pour la soirée de jeudi. Un plat d'oeuvres souvent raffinées a été offert. Un raï authentique laissant libre cours à son expression avec, à l'affiche, une des références qui ont fait, durant les années 70 et 80, le bonheur des populations oranaises, Belkacem Bouteldja. Malgré son âge, l'enfant de la cité du Plateau (Oran) et son répertoire gardent toujours leur aura. Donnant naissance à une nouvelle vague d'interprètes, dénonçant l'injustice et revendiquant l'innocence, Bouteldja, dans le morceau intitulé Sidi El Hakem (M. le juge) a encore une fois, pu et su, associer le verbe à la cause qu'il a, toujours, défendue et donner naissance à une nouvelle dimension de la musique méditative, propre à toute une grande région du pays qui a enfanté des poètes de renom, tel que cheikh Zergui. Sans doute par nostalgie, Bouteldja, interprète le sentimental Arouah t'chouf zine. L'une des oeuvres qui est restée intacte, immortalisée à Sidi Bel Abbès dans les toutes premières années de la sortie du raï du ghetto. Pour sa part, le crooner du raï, Houari Benchennet, n'a pas mis trop de temps pour convaincre que le raï est aussi cette musique du terroir constituant le patrimoine national. Benchennet a fait visiter aux Belabbésiens «El Bahia» en interprétant Wahran (Oran), ses quartiers, sa culture et les traditions locales et populaires. La soirée de clôture, ce soir, promet de se faire en apothéose. A l'affiche, le king du raï, cheb Khaled. D'autres noms, et pas des moindres, sont au programme, à savoir Zahouania, Houari Dauphin et Mohamed Lamine.