Les Issers, cette petite bourgade de la daïra de Bordj Menaïel, était sous le choc hier matin. Vers sept heures vingt, deux violentes explosions ont fait sursauter les habitants. C'est l'horreur de bon matin! Devant l'entrée de l'Ecole de la gendarmerie, on pouvait voir quelques bâtiments touchés, des déblais à l'entrée du portail avec des bulls travaillant pour essayer de nettoyer et des tentes du CRA de Tizi Ouzou et de Boumerdès essayant d'apporter les premières aides. En face de l'école, des habitations présentaient des façades sévérement touchées, avec des murs lézardés et des vitres brisées, un garage d'une de ces maisons montrait par la porte arrachée par le souffle, une voiture, une Peugeot 206 blanche réduite en amas de ferraille. Des voitures, stationnées le long de la rue longeant la caserne et sur un périmètre d'environ six cents mètres, étaient toutes gravement endommagées. On a appris sur place que le bus assurant la liaison Tizi Ouzou; Oran, a été touché et trois passagers blessés, une voiture de tourisme, apparemment une 307 verte passant par là au moment de l'explosion avait ses deux passagers morts, carbonisés. Le plus lugubre est sans doute aucun le carrousel d'ambulances qui déferlaient sur l'école, lieu du sinistre. Près du lieu, des familles étaient encore à notre arrivée plus que choquées, certaines avaient vu le toit de leur habitation endommagée, les vitres brisées et certaines, les portes arrachées. Une vision d'enfer aggravée par les hurlements et les cris dans lesquels on pouvait percevoir les ordres, les contre-ordres des forces de l'ordre et aussi par ce spectacle insupportable d'un jeune habitant d'une des maisons faisant face qui, sous le coup du choc, a perdu l'usage de la parole. En ville l'atmosphère fait penser à quelque quartier de Beyrouth sous les bombes, il est vrai que là, il s'agit d'un kamikaze mais les gens qui avaient cru que la violence est derrière eux n'arrivaient plus à en croire leurs yeux. Un des citoyens de la petite ville, encore sous le choc, le visage livide dira: «On a vécu le séisme mais alors c'étaient les forces naturelles mais là...» Dans le décor d'apocalypse et l'enfer des cris, les ambulances, toutes sirènes hurlantes, ajoutaient à l'atmosphère déjà irréelle. Notre confrère Kamel devait accompagner une de ces ambulances sur l'hôpital de Bordj Menaïel, sa description des lieux est tout simplement affolante avec un personnel soignant hors de lui et entièrement tourné vers l'accueil des blessés. Il faut également souligner que les blessés ont été transférés pour certains sur les hôpitaux de Thénia, de Bordj Menaïel et de Tizi Ouzou alors que les plus graves ont été acheminés sur Aïn Naâdja. Jusqu'en débit d'après-midi l'autoroute menant à Alger a été fermée, ce ne sera que plus tard que la circulation devait être quelque peu rétablie. L'atmosphère dans la ville était toujours pesante. Colère retenue, les gens n'avaient pour toute discussion que les jeunes qui venaient pour essayer d'obtenir un travail et qui sont fauchés à la fleur de l'âge. Les Issers et le pays avec, se souviendront longtemps de ce mardi lugubre et sanglant.