A la faveur de la rentrée sociale, faut-il s'attendre à une montée des périls? Les craintes demeurent partagées à ce sujet. Trop d'extrémismes, beaucoup trop d'extrémismes, éclatent en même temps à l'orée d'une rentrée sociale qui s'annonçait déjà aléatoire, voire placée dans le chapitre «haut risque». La contestation sociale, le terrorisme des groupes armés, les connexions mafieuses et les réseaux de la contrebande se sont tous, sans exception, exprimés par la violence. Poussées par la nécessité et la pression des événements, les forces de sécurité, elles aussi, ont réagi par la violence. Dix ans de lutte antiterroriste ont fini par instaurer en Algérie une culture de la répression et des représailles. Toutes les caractéristiques de plusieurs extrémismes liés, dans l'espace et le temps, les uns aux autres, sont mis insidieusement en place. A l'Est, les connexions allant de Tébessa à Jijel entre les réseaux mafieux «connectés» au Gspc ne font plus de doute. L'arrestation spectaculaire des vingt terroristes d'Oum El-Bouaghi a prouvé cette connexion. A partir des limites ouest de Jijel jusqu'à Boumerdès, la radicalisation de la contestation de ârchs fait des ravages. La dévastation de villes comme Béjaïa ou Tizi Ouzou et la démolition des édifices publics renseignent sur la nature destructrice d'un mouvement qui affirme encore aujourd'hui que «la plate-forme d'El-Kseur n'est ni discutable ni sujette à révision». Alger renoue avec la psychose des voitures et colis piégés et la phobie de l'alerte à la bombe s'installe peu à peu. A partir de Médéa et sur un axe de 400 km allant jusqu'en Oranie, les GIA se surpassent dans l'horreur au quotidien. Cette radicalisation de l'expression politique mènera directement à un désintéressement total, de la part du peuple, vis-à-vis des prochaines échéances électorales et c'est la pire des choses qui puissent arriver, car elle pérenniserait ceux qui sont déjà en postes au détriment d'une alternance démocratique. La radicalisation des positions chez les uns et la poursuite de thèses maximalistes chez les autres expliquent, en partie, l'échec de toutes les tentatives pour ramener le calme. Pire, ces événements déjà douloureux en eux-mêmes ont créé un contexte très favorable à l'émergence d'autres extrémismes, et les canaux de communication comme les médias ont cessé, depuis longtemps, de jouer leur rôle. Allant dans le sens emprunté par leur lectorat, ils privilégient le marketing aux réalités qui sous-tendent les événements. Les réseaux dormants reprennent du service à la faveur de la dispersion des forces de sécurité à travers le pays, et donnent aux GIA de nouveaux prétextes de faire des forcings dont les visées politiques pointent le nez. Les vieux démons du nationalisme, du séparatisme et du tribalisme belliqueux se réveillent et peuvent être exploités à tout moment pour les tenants du droit d'ingérence. Le pouvoir, confronté à de nouvelles donnes plus complexes que le terrorisme islamiste, bat de l'aile. Les thèses maximalistes restent de rigueur et ce n'est pas demain que les esprits prendront le chemin de la modération politique et s'assoupliront. Pour la première fois aussi, le pouvoir a l'argent nécessaire à sa politique, mais bute sur une crise multiple qui obstrue toutes les voies du dialogue. Trop d'enjeux y sont liés et la «camorra» locale n'ignore pas les ravages que provoquera le retour au calme dans ses comptes. Les messages à décrypter dans cet imbroglio restent encore à saisir, car illisibles ou invisibles. Le terrorisme fait du forcing pour amener le pouvoir à (re)négocier avec l'islamisme. Ou, peut-être, des bombes sont semées à travers la capitale pour justement, obstruer la voie du dialogue avec les islamistes. Deux thèses qui ont chacune 50% de chances d'être valables. Les partis dits démocrates, réunis en conglomérat composite et hétérogène, jouent sur la dégradation du climat sécuritaire et la poussée islamiste pour faire fléchir le pouvoir. Leur influence dérisoire sur le cours des événements les poussent à user d'un forcing médiatique, qui tranche horriblement avec leur poids sociopolitique réel. Quant aux partis de la coalition gouvernementale, ils se sont changés brusquement en «sectes fermées», dont le maître mot demeure l'accession aux postes de ministre, député ou autres. Des partis qui représentaient une sorte d'intelligentsia productrice d'idées ont accédé à des postes clés et se sont coupés peu à peu de la société, signant ainsi l'échec de la réflexion devant les miroitements du pouvoir. Le Président de la République propose une réconciliation nationale. Les uns et les autres qui le suivront ou qui s'y opposeront, agiront, comme ils l'ont déjà fait, conformément à leurs intérêts et aux rapports de force en jeu. Et quoique le peuple ignore ou rejette ces jeux d'équilibre macabres, les messages ont été déjà lancés. Codes à décrypter avec un maximum de précaution.