Plus d'un mois avant les attentats de New York et de Washington, le président Bush avait été mis en garde. Y a-t-il eu laxisme? C'est la question que la presse américaine se posait jeudi et vendredi quant à la connaissance par les services de l'Administration Bush d'informations faisant état de possibles attaques contre des objectifs américains aux Etats-Unis, sans que, pour autant, celle-ci eut pris les mesures qui s'imposaient. Le malaise, induit par ces informations, est d'autant perceptible que la Maison-Blanche a dû admettre qu'elle avait été mise au courant, un mois avant les attentats du 11 septembre «des dangers accrus de détournement d'avions» par le réseau d'Oussama Ben Laden. Ces indications, qui n'ont été portées à la connaissance du public que neuf mois après les faits, laissent perplexes analystes et observateurs. Ainsi, le New York Times estime que «jusqu'à ce que quelqu'un prouve que l'Administration Bush a reçu et ignoré des informations portant précisément sur le détournement d'avion, le pays devra vivre avec le fait, beaucoup plus confus et non moins dérangeant, que le gouvernement dans son ensemble n'a pas fait ce qu'il devait». Sur la défensive, l'Administration Bush explique que le caractère «général» des informations dont elle était destinataire, «n'aurait pas permis d'empêcher les attentats» lesquels ont fait plus de 3000 morts. Montée au créneau, la conseillère présidentielle pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, avait affirmé que le rapport reçu par l'Administration ne constituait pas en soi une «mise en garde» estimant qu'il «faisait mention de détournement d'avion, mais au sens traditionnel (...) avec prise d'otages et exigence de libération de l'un des responsables comme le cheikh aveugle» (cf le cheikh Omar Abderrahmane, l'un des principaux organisateurs de l'attentat du World Trade Center de New York en 1993 et condamné, aux Etats-Unis, à la prison à perpétuité) . L'Administration Bush, dans ses réactions, partait du principe que «rien dans les informations glanées par la CIA et le FBI ne laissait prévoir le terrible scénario du 11 septembre». Le Congrès américain semble peu convaincu par ces explications et le représentant démocrate Richard Gephardt exige que la Maison-Blanche «fasse toute la lumière sur les informations qui étaient à sa disposition, ce qu'elle a fait de ces informations et pourquoi ces révélations sont seulement faites maintenant». Le sénateur républicain Richard Shelby veut, lui aussi, que soit considéré le rôle de la CIA et le FBI avant les attentats. Si l'Administration Bush semble avoir négligé, ou sous-estimé, les informations, ou révélations mises à sa disposition par les services de sécurité, elle n'en travaillait pas moins au démantèlement de l'organisation Al-Qaîda, comme l'a dévoilé la chaîne de télévision NBC qui a indiqué, jeudi, que deux jours avant les attentats, «un plan de guerre contre Al-Qaïda était prêt» que ce plan «une directive présidentielle de sécurité nationale» se trouvait sur le bureau du président Bush qui «n'a eu, ni le temps d'en prendre connaissance ni de le signer», précise la même source. Aussi, l'existence de ce plan explique, sans doute, la rapidité de l'offensive générale américaine, moins d'un mois après le 11 septembre, (le 7 octobre précisément) contre les taliban et Al-Qaïda en Afghanistan. Le fait patent est qu'avant les attentas du 11 septembre, l'Administration américaine et les services de sécurité (CIA et FBI) disposaient d'informations, certes éparses, sur des menaces d'attentats mais, curieusement, personne ne semble avoir été en état d'en faire la synthèse et d'en tirer les conséquences éventuelles. Il semble que dans cette affaire, les Américains ont été confrontés à l'adage selon lequel trop d'informations tuent l'information.