Dans une interview exclusive accordée à l'hebdomadaire marocain Tel Quel, le diplomate néerlandais confie n'avoir jamais appuyé le plan d'autonomie marocain. Une précision de taille qui remet un tant soit peu les pendules à l'heure. La pièce qui manquait aux surprenantes déclarations de l'ex-envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahara occidental, tombe toutefois un peu tard. Il avait soutenu, il y a quelques mois, à la veille de la remise du rapport du secrétaire général de l'ONU au Conseil de sécurité, que l'indépendance du Sahara occidental était une option «irréaliste». Des propos repris à la volée par le Royaume chérifien qui y voyait un soutien en faveur de son projet de large autonomie. «Je me suis toujours abstenu d'appuyer cette proposition en tant que telle et me suis contenté d'appeler à des négociations sur un arrangement en deçà de l'indépendance (qui ne peut être qu'une forme d'autonomie). En me citant, la presse marocaine n'a malheureusement pas fait cette distinction, ce qui a poussé le Polisario à constater que j'avais adopté une attitude délibérément pro-marocaine», a tenu à préciser Peter Van Walsum à notre confrère marocain. Fallait-il que le Front Polisario se taise? Sur un plateau d'argent Pendant ce temps-là, à Rabat, on applaudissait ce nouveau «faux rebondissement» que venait de subir le conflit du Sahara occidental, en marge du 4e round des négociations de Manhasset. Dans une correspondance adressée au Conseil de sécurité, le département des affaires étrangères marocain réaffirme son soutien au secrétaire général de l'ONU et de son envoyé spécial après que Peter Van Walsum ait déclaré, le 21 avril dernier, l'option de l'indépendance du Sahara occidental «irréaliste». Ne dit-on pas que l'occasion fait le larron? La belle aubaine! Certains médias marocains ne se sont pas fait prier pour sauter sur une telle occasion. Van Walsum venait de la leur offrir sur un plateau d'argent. Et ils n'avaient qu'à se servir. Van Walsum pouvait-il l'ignorer? Certainement pas. En politique, on ne peut ouvrir une brèche sans qu'il y ait de réactions. Difficile de jouer à l'enfant de choeur dans des négociations d'un tel niveau. L'enjeu est trop grand: il s'agit d'une question de décolonisation d'un territoire. L'avis consultatif de la Cour internationale de justice, daté du 16 octobre 1975, a conclu qu'il y avait effectivement eu des liens pré-coloniaux entre le Maroc et le territoire disputé, reconnaît Peter Van Walsum. Et qu'attend alors le Conseil de sécurité pour faire appliquer la légalité internationale? La réponse de l'ex-envoyé personnel du secrétaire général de l'Onu au Sahara occidental est édifiante...«Il n'y a aucune règle dans le droit international qui force le Conseil de sécurité de donner effet aux résolutions de l'Assemblée générale ou aux avis consultatifs de la Cour internationale de justice». Selon Peter Van Walsum, les deux belligérants devraient se regarder en face. Un fossé sépare les deux options mises sur la table de négociations qui butent sur le rôle à attribuer à l'organisation d'un référendum. Large autonomie ou indépendance? Laquelle des deux options l'emporterait? «Si la question avait une réponse, je n'aurais pas désespéré de ces négociations. Les positions des deux parties sont tellement incompatibles qu'un terrain d'entente ne peut être envisagé pour une solution de compromis.» a confié Van Walsum au journaliste de Tel Quel. Sans admettre que ses déclarations sur l'indépendance du Sahara occidental ont contribué à la victoire diplomatique reconnue du Front Polisario, il reconnaît que «le Maroc a fait des déclarations qui ne lui ont pas permis de prendre l'ascendant sur le Polisario». Ce dernier a réclamé sa tête suite à ce que les sahraouis ont estimé être du parti pris pour un représentant de l'Onu qui était cantonné à un rôle de facilitateur soumis au droit de réserve. Van Walsum a lui, une autre approche de sa fonction: «Je n'ai jamais pensé qu'un comportement diplomatique voulait dire éviter la franchise», souligne-t-il. Pas de regrets En un mot, Van Walsum ne regrette rien. Si c'était à refaire? «Je le referais sans aucune hésitation». Et y a-t-il une chance pour parvenir à mettre fin à ce conflit? Tout, sauf l'indépendance semble nous dire le diplomate hollandais: «Le Conseil de sécurité insiste sur une solution consensuelle, pas parce qu'il est "pro-marocain", mais parce qu'il ne se laissera pas entraîner vers l'adoption de mesures coercitives dans le conflit du Sahara occidental. C'est un malentendu de penser que la France et les Etats-Unis empêchent le Conseil de sécurité d'entreprendre une telle action.» Ce qu'oublie de dire Van Walsum, c'est que le malentendu réside dans la torture et les souffrances que subit le peuple sahraoui, privé de liberté de choisir entre l'autonomie et son indépendance.