L'attribution des portefeuilles ministériels, qui révèlera la répartition des pouvoirs, sera au centre de négociations qui s'annoncent difficiles. Les rivaux politiques au Zimbabwe ont entamé hier une étape décisive dans la formation d'un gouvernement d'union. La veille, lors de la signature d'un accord historique mettant un terme à la crise née de la défaite du régime en place depuis 28 ans aux élections générales du 29 mars, le médiateur sud-africain Thabo Mbeki a pressé les parties de conclure «le plus rapidement possible». Car l'impatience est grande, dans un pays ruiné dont la vaste majorité des habitants peine à survivre et des millions sont menacés de famine, de voir le nouveau gouvernement commencer à travailler. En outre, les potentiels donateurs dans le monde, dont le Zimbabwe espère une aide massive, attendent eux aussi de voir quels changements concrets seront apportés avant d'agir. Les discussions sur la répartition des portefeuilles, préparées pendant le week-end par les équipes de négociateurs, devaient entrer hier dans la phase décisive. «Les parties vont se rencontrer au plus haut niveau pour décider quels ministères reviendront à l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF de Mugabe), lesquels iront au Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de M.Tsvangirai et lesquels iront (à la faction dissidente du MDC) d'Arthur Mutambara», a indiqué lundi soir Patrick Chinamasa, qui dirige les négociations pour la Zanu-PF. L'accord prévoit un système complexe de répartition des pouvoirs au sein de l'exécutif et fixe un nombre de portefeuilles pour chaque parti (15 pour la Zanu-PF, 13 pour le MDC-Tsvangirai et 3 pour le MDC-Mutambara). M.Mugabe demeure le chef de l'Etat tandis que M.Tsvangirai, fort de sa majorité à la Chambre des députés, devient Premier ministre, un poste qui n'existe pas dans la Constitution actuelle. Les deux hommes se partagent la définition et la mise en oeuvre des politiques. Le président conserve la direction du puissant Conseil national de sécurité, qui regroupe les chefs d'état-major de la police, de l'armée et des services secrets. Mais le Premier ministre fait désormais partie de ce cercle très fermé. Selon des sources concordantes, la Zanu-PF entend prendre le ministère de la Défense. En échange, le MDC réclame celui de l'Intérieur, qui contrôle la police. La redoutée police secrète (Central Intelligence organisation, CIO) dépendait jusqu'a présent de la présidence. Le parti issu de la lutte pour l'indépendance veut également la maîtrise de la Réforme agraire, clé sociale de la stabilisation du pays. En échange, il est prêt à laisser au MDC les Finances - dont dépend l'Economie - et les Affaires étrangères. Le quotidien d'Etat The Herald, qui barrait sa Une hier d'un optimiste «L'aube d'une nouvelle ère!», appelait tout de même à l'action. «Nous saluons les trois protagonistes, le président (Robert) Mugabe, le Premier ministre désigné Morgan Tsvangirai et son vice-Premier ministre désigné Arthur Mutambara (ex-opposition) pour leurs déclarations tournées vers l'avenir et nous espérons qu'ils passeront rapidement de la parole aux actes, car le vrai travail commence tout juste», écrit le quotidien. L'hebdomadaire privé Zimbabwe Independent soulignait de son côté que «tensions et malaises (persistaient) de toute évidence entre les dirigeants», les exhortant à les surmonter «rapidement». «L'accord s'est longtemps fait attendre et maintenant le peuple du Zimbabwe veut des résultats, les Zimbabwéens veulent retrouver une vie normale», poursuit l'hebdomadaire.