Lors de leur sortie, jeudi, sur le terrain, les gendarmes ont voulu apporter un message de paix aux familles de terroristes tout en poursuivant leur mission de traque des délinquants. «On n'est pas là pour une perquisition, mais juste pour transmettre un message de paix.» Ce sont les paroles d'un cadre de la Gendarmerie nationale à une mère dont l'époux El Hassen est en prison pour terrorisme alors que ses trois enfants, Redouane, Abdelhamid et Nabil sont au maquis, l'un depuis 1998. Il s'agit de la famille C...Ces propos ont été prononcés jeudi vers 17 heures 30 quand le commandement de la Gendarmerie nationale décide d'une sortie à laquelle des organes de presse ont été conviés. 17heures 30, on est à Hamma Bouziane, dans la banlieue nord de Constantine, direction du lieu dit El Abiodh. C'est là qu'habite la famille C..., vivant dans des conditions sociales lamentables. L'officier de gendarmerie, qui dirige l'opération, aborde une vieille femme au visage ridé où quelques larmes sont venues inonder son regard déjà perdu et lui demande comment elle allait. «Je ne les ai pas vus, ils ne sont pas venus», a-t-elle répondu spontanément. Sans doute l'habitude de répondre à ce genre de question face à des officiers de sécurité. Un message de paix L'officier la rassure, usant d'une grande diplomatie et de savoir- faire en la circonstance, lui explique que les gendarmes sont là juste pour un message de paix et demande à cette mère qui semblait à l'aise avec les services de sécurité, de dire à ses enfants de rentrer à la maison, que rien ne leur arrivera et que c'est là un appel de la loi. L'Etat se porte garant et assure du bon déroulement de toutes les procédures. «Nous sommes là pour vous rassurer, l'Etat gardera la main tendue à ses enfants égarés dans les maquis, le peuple a pardonné et le processus de la Réconciliation nationale est toujours d'actualité et ce sont des propos faits devant la presse nationale: appelez vos enfants, tentez de les convaincre. Il n'est pas trop tard», a encore expliqué l'officier de Gendarmerie. Il est 18 heures. Le groupe de gendarmes se déplace vers la maison proche C...Boukhmis, dont deux enfants sont également dans les maquis, Tahar et Bilal. Pour le premier, deux terroristes détenus à la prison à Boussouf, témoignent de son décès. Il serait, selon eux, mort deux mois après son recrutement en 2001. Pour ce qui est de Bilal, qui a pris la destination des maquis le 16 avril 2006, le père et ses deux frères restés chez leurs parents, déclarent ne pas avoir de ses nouvelles depuis lors. L'officier est convaincu du contraire. Des informations font état que les deux terroristes mis en cause reviennent régulièrement à la maison. Mais le père ne cesse de répéter qu'il n'avait pas vu son fils depuis 2 années. C'est un retraité de 56 ans. Il touche 6000,00 DA par mois, seul son fils aîné travaille pour un salaire de 10.000 DA. Le plus jeune est dénoncé comme délinquant par le père et son aîné, qui souhaitent même sa mort. L'officier était horrifié d'entendre de telles paroles. Il expliqua qu'un comportement aussi sauvage avec les siens ne peut donner de résultats. Le gendarme dressa presque un cours de psychologie à l'égard du père et de son fils, leur expliquant qu'il s'agit de récupérer un enfant qui risque de perdre tous ses repères. L'on en déduit aussitôt l'ignorance de ces personnes, ignorance qui s'ajoute au désarroi de la misère et de la pauvreté. En fait, la famille C...occupe un terrain assez vaste. Des maisons de fortune y sont construites n'importe comment et dans une totale anarchie. L'eau, le gaz et l'éclairage public font défaut. D'ailleurs plusieurs des C...nous ont interpellé pour dénoncer le laxisme des autorités locales. Aucune suite n'a été donnée à leurs doléances, notamment en ce qui concerne l'état lamentable des routes défoncées et accidentées. Dans cette famille déphasée, c'est surtout un jeune de 20 ans qui attire notre attention. C'est un C...universitaire, en 2e année à la Fac de chimie, il savait parler et d'un air ironique, il nous lance: «Elle n'est pas belle la vie ici!». Il reste une demi-heure pour la rupture du jeûne et c'est vers une autre famille C...que nous nous sommes dirigés avec les gendarmes. On est devant la maison de C...H'cen dont le fils Hassen 28 ans est au maquis depuis 1998. Il a 7 filles et souhaite que son fils rentre pour qu'il puisse se reposer sur son épaule. Le père dit également n'avoir aucun contact avec son fils et l'officier de gendarmerie reprend son explication, selon laquelle ce déplacement est juste un geste de sensibilisation pour convaincre les jeunes Algériens de revenir chez eux. Chasse aux délinquants Au cours de cette sortie, nous avons constaté le désarroi dans lequel peuvent vivre certaines familles. C'est surtout l'ignorance qu'il va falloir combattre. C'est l'ennemie de tous. La pauvreté n'a jamais été une source de criminalité, mais l'ignorance oui. C'est clair aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement d'avoir un diplôme. Le phénomène de l'ignorance doit être combattu à la racine. Et c'est cette ignorance aussi qui a induit tous les problèmes auxquels est confrontée la société. C'est l'heure du ftour, mais nous sommes encore chez les C..., l'un d'eux nous surprend en nous offrant une grande assiette de dattes. Personne n'hésite à se servir. Direction Aïn Smara, banlieu-ouest de Constantine, où un ftour a été organisé en l'honneur des cinq journalistes ayant participé à cette sortie. Juste le temps de manger et l'opération reprend son cours. Retour dans la banlieue-nord, plus exactement, à Didouche Mourad. Il s'agissait cette fois-ci de chasse aux délinquants de tout gabarit. Ainsi, tout un quartier a été hermétiquement bouclé par les brigades canines des éléments du GIR et une équipe de recherche participe à cette action. En somme 200 gendarmes ont été mobilisés. Cette fois-ci on est en plein noyau de la délinquance. Ce quartier dit «Oued El Merdja» est connu pour être un lieu d'écoulement de la drogue. Mais rien pour ce soir. Néanmoins, la seconde action déclenchée après le ftour s'est soldée dans son ensemble et jusqu'à 1 heures du matin, par l'interpellation de 838 personnes, lesquelles ont subi une fouille au corps, 210 pour vérification d'identité, quatre arrestations pour port d'arme blanche et une arrestation pour attentat à la pudeur. Les cinq mis en cause doivent être présentés devant le tribunal. Par ailleurs, les gendarmes ont effectué 180 vérifications qui leur ont permis de saisir un véhicule pour faux document et de retirer 18 permis de conduire. 106 infractions au Code de la route ont été enregistrées. Le commandement de la Gendarmerie prévoit d'autres sorties dans les jours à venir.