Les murs sont chargés de graffiti hostiles à la gendarmerie et au pouvoir. A quelques encablures des législatives, pas la moindre affiche d'un parti ou la photo d'un quelconque candidat n'a été collée pour indiquer ce rendez-vous électoral à Aïn El-Hammam. «Ulac smah, pouvoir assassin, gendarmes terroristes», tels sont les graffiti qui «ornent» les murs de cette daïra qui a «poussé» sur le flanc du Djurdjura à une cinquantaine de kilomètres de la wilaya de Tizi Ouzou. «Ils n'ont pas placé de panneaux d'affichage pour les élections, car de toute façon, les citoyens les auraient arrachés», nous déclare Samir, un jeune de 27 ans. «Et toi, iras-tu voter?», l'avons-nous interrogé. Du tac au tac, il répond: «Rouh ammi, je n'y pense même pas.» Et d'ajouter: «Et puis même s'il n'y avait pas ces événements, comment oserais-je le faire dans un pays où, après cinq années d'études en physique nucléaire, je me retrouve à travailler en tant que manoeuvre à 300 DA la journée?» On n'a senti aucun engouement pour les élections dans cette ville. Les gens semblent beaucoup plus intéressés par le prix des cerises qui «commence déjà à chuter avec la chaleur». «Je ne peux pas aller voter alors que le sang des jeunes tombés sous les balles assassines n'a pas encore séché, c'est une question de nif et de solidarité envers ces familles meurtries», nous déclare Ammi Saïd ancien maquisard qui indique qu'il a participé à toutes les élections depuis l'Indépendance. «Aucun parti de ceux qui vont participer aux élections n'a animé de meeting ici, à Michelet (Aïn El-Hammam)», nous a informé Ramdane, fonctionnaire à la SAA. On nous a appris, par ailleurs, que Rabah Benchikhoun, secrétaire général de la fédération des fils de chahid et élu RND à l'APW de Tizi Ouzou, a été empêché d'animer un meeting, la semaine dernière. Chez les citoyens, il se dégage une attitude unanimiste: «Il n'y aura pas d'élection, mais le pouvoir s'arrangera pour afficher un taux de participation supérieur à zéro.» Cependant, la plupart appréhendent les trois jours de grève générale qui sera lancée à partir de lundi, et surtout le jour du scrutin. «On a peur de dérapages provoqués», s'inquiète Si Rabah, chauffeur de taxi, qui rappelle toutes les tentatives de faire monter les jeunes au maquis. «Nous savons que s'attaquer ainsi de front à ce pouvoir mafieux n'est pas en notre faveur, on a déjà trop perdu de vies et de matériels, ils sont capables de tout faire et de tout dire grâce aux images de leur télévision qu'ils projettent dans des camions.»